dimanche 25 octobre 2009

Tu me parles de liberté

Cette personne (Della Rovere), finalement, m'aime peut-être profondément. Et moi? Qui suis-je pour me défausser à cet amour, et ne pas y céder aussi? Et pourquoi, en quoi ne devrais-je pas me satisfaire de cette vie à tous égards confortable, agréable, réussie, nullement méprisable en miroir de l'univers extérieur? Il n'est pas question d'être un poète de deux siècles passés, exilé sur son rocher, ou, de trois siècles passés, contemplant les ruines de Rome nonchalamment allongé, tandis que le monde bruisse d'une prochaine révolution.
Tu as voulu t'engager d'une certaine façon dans la vie, et, au lieu de suivre cette voie engagée, tu hésites, tu parlementes en session plénière avec toi-même - et fragmenté en de multiples commissions, tu ne réfléchis même pas au vrai sens de tout cela: si tu as quelquechose à apporter à notre assemblée, prodigue-le, même dans le vertige d'une tribune vide, où personne ne viendra t'écouter. Et sinon, ne recherche aucun suffrage, pas même le tien, disparais dans les couloirs d'une vie obscure. Nous ne t'en voudrons pas. Au contraire, nous t'en voudrions bien plus d'avoir mollement tenté puis de t'être arrêté à de petits obstacles matériels.
Mais maintenant, je suis libre! Je n'ai de comptes à rendre qu'à moi, ni à elle, ni à eux. Et je peux assumer tous mes actes et mes choix avec hauteur. Qui viendra me dire que ce que j'ai fait est mal?
Ah ah! Dis-moi dans les yeux que tu peux fanfaronner de telles paroles à toute heure du jour, ou surtout de la nuit! Quand t'étreint le remords de cette vie paisible, cette vie de luttes intérieures - à défaut de combats ostensibles et glorieux! Tu me parles de liberté? Je ne vois qu'un homme à la tête enchaînée, aux membres sectionnés uns à uns - un tronc, puissamment accroché à ses racines, incapable de produire la moindre feuille!

Bruges

Une magnifique après-midi d'octobre, où la lumière jouait sur la pierre, le long des canaux, envahis de feuilles jaunes. Chercher dans la contemplation de la beauté une excuse à la vie... au monde, une ignorance de l'échec. Ce serait en fin de compte facile, agréable.
De rester ainsi au bord du canal. Quand le temps rafraîchira, de se mettre à l'intérieur, allumer un feu, regarder la nuit tomber plus vite, la neige tomber sur Bruges. Dans la solitude, il sera temps, alors, de rêver à l'histoire, d'écrire, un regard sur le ciel bas ou, de temps à autre, sur l'eau indésireuse de rejoindre l'océan.
Sur l'eau boueuse et morte d'ennui. Et quand le soleil reviendra sur cette contrée, je repartirai moi aussi, ne laissant de moi qu'un être ensablé, peuplé par les oiseaux de mer, là où auraient dû toujours voguer, qui ne le pourront plus désormais, les sombres cogues chargées de trésors.