mardi 18 mai 2010

Vieilles lunes romaines

Sur deux lectures de ce week-end.
Il semble écrit que nous sommes désormais dans une phase "essentialiste" de la pensée humaine, quête d'identité, retour sur soi, "religion des droits de l'homme", par rapport à une période "existentialiste" qui a duré pendant des siècles. Autrefois, il suffisait de se conformer à une pratique, à une norme sociale, pour être assuré d'incarner "le bien": c'est ce que les existentialistes, par la notion du "choix", ont dénoncé... et détruit. En réalité, les existentialistes ont détruit l'existentialisme de la société, comme dans ce film de Fellini où le découvreur des fresques romaines détruit, en leur laissant une ouverture à l'air libre, les merveilles qu'il vient d'apercevoir.
Pauvre religion catholique! S'il suffisait de se confesser pour être pardonné! Car cela était permis, et, à vrai dire, normal, dans les anciens temps existentialistes! Mais désormais toute faute est impardonnable, car c'est une faute contre l'essence, non contre l'existence - le seul lavement possible serait que l'individu lui-même ne la considère pas comme faute, la considère comme son essence: alors seulement, ayant été fidèle à lui-même, il peut se croire pardonné. Chaque être est son rédempteur (ou se croit tel), et, s'il n'est pas Dieu lui-même (même si certains l'imaginent ainsi), il est seul face à Dieu. Qu'allons-nous faire de nos papes et de nos prêtres? Même la religion musulmane, qui définit, si ce que l'on me dit est exact, un rapport direct, immédiat, à la divinité, me semble plus moderne, mieux adaptée au monde contemporain, que notre vieux catéchisme.
Un retour à l'Évangile (vieux refrain) est-il possible? Car le message du christ pourrait, par bien des aspects, s'inscrire dans la modernité. Mais non. En prêchant la soumission à Dieu et aux hommes, en recommandant de tout abandonner pour le suivre, Jésus "ne colle pas" avec l'essentialisme moderne. Il ne recommande pas l'épanouissement de soi, mais l'épanouissement de soi au sein de l'amour de Dieu et des hommes: il était trop en avance, sans doute.

jeudi 13 mai 2010

No man is an island

"No man is an island, entire of itself; every man is a piece of the continent, a part of the main. If a clod be washed away by the sea, Europe is the less, as well as if a promontory were, as well as if a manor of thy friend's or of thine own were: any man's death diminishes me, because I am involved in mankind, and therefore never send to know for whom the bell tolls; it tolls for thee."

John Donne, Devotions upon Emergent Occasions (1623)
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http://en.wikisource.org/wiki/Meditation_XVII

Découvert grâce à un excellent livre intitulé "Le Chapeau de Vermeer" qui raconte la naissance du monde moderne grâce aux flux commerciaux au XVIIe siècle. Tous les chapitres sur les commerces espagnols, portugais, hollandais avec la Chine (et avec le Japon) sont des mines de renseignements étonnants. Par exemple, le fait que la moitié (au moins) de l'argent de l'Amérique partait en Chine (car nous n'avions rien à leur vendre...) rappelle étrangement le monde actuel.
Et il y a ce dernier chapitre, un peu séparé de l'objet du livre, qui parle du poème cité ci-dessus, et qui, sans les explications sur le commerce du XVIIe, serait en partie incompréhensible.

mercredi 5 mai 2010

"sort son gun"

"[L'enfant - c'est sur l'histoire d'un enfant drogué à Buenos Aires] sort son gun et le butte
Sous le regard indifférent de quelques putes"
Yann Walcker - http://www.yannwalcker.com/index.php3

(vu à une expo ce week-end - Question suffit-il de mettre quelques mots d'argot pour faire moderne? Il y a quelques années, je me souviens de deux auteurs qui avaient écrit des poèmes en alexandrins très classiques sur des gens qui se promenaient dans un supermarché. C'est plus comique qu'autre chose... mais désormais, toute rime ou tout vers paraît démodé, artificiel. Cela me rappelle que je dois écrire cet article sur "la mort de la poésie")