dimanche 20 février 2011

Commentaire de "danger"

Cette allusion au Talmud me rappelle que je m'étais promis de résumer mon mode itératif, "hébraïque", d'écriture (j'entends par cette expression la façon avec laquelle la pensée religieuse juive s'est développée par commentaires, puis commentaires de commentaires, à l'infini). Cela a commencé dès la rédaction de 2N2J, Commentaires de Vers la Vie. Le sous-titre en donnait bien la nature: il s'agissait de construire quelque chose de nouveau sur la base d'un corpus de textes existants. De même, la succession des romans de Frino où certaines allusions ou scènes sont identiques, où l'on rappelle l'histoire d'un précédent personnage, ne sont que des façons de remâcher encore le même sujet. J'ai du mal à m'éloigner de textes anciens, à créer ex-nihilo un univers. D'où l'intérêt aussi des "journaux d'un roman", qui ont souvent plus de consistance que le roman lui-même (généralement, un avorton).
Pus grave que cela, le plus grand obstacle est mon manque d'empathie. De même que je n'écris rien qui ne soit répétition d'une autre manière, de même je n'arrive pas à me mettre franchement dans la peau d'un autre homme d'une autre femme, qui ne soit pas un double de moi-même. C'est pour cela que les seules choses terminées étaient de l'ordre du texte à clé, où tout était finalement ramené à moi. Je n'ai pas commencé à écrire pour raconter le monde, j'écris pour qu'on me regarde: auto-justification, "épandage de sa propre merde" (dixit le gourou Eclot), et ne parlons pas des poèmes.
Mais je voudrais désormais arriver à changer de sujet, plus de quinze ans après les premiers tâtonnements "vers la vie", d'où l'idée de ce roman sur Rubens, de ces poèmes sur des événements historiques, de cette romance d'Istanbul, qui ne seraient plus des recueils de soupirs, mais les expressions d'un verbe libre adapté à l'expérience universelle...

un danger...

"Un rêve qui n'a pas été interprété est comme une lettre qu'on n'a pas lue" - Rav Hisda, un talmudiste cité par Tobie Nathan, auteur de La nouvelle interprétation des rêves, livre qui semble très intéressant et que je viens de commander. Apparemment, le message de ce livre est que le rêve contient une injonction, un message en direction du futur, et n'est pas un retour vers le passé, une rétrospection "freudienne" de notre petite enfance...
Heureux celui qui pourra dire quelle est la nature du rêve! Il me tarde de lire ce livre pour en savoir plus. Sur la base de rêves récents, je verrais tout de même dans les rêves davantage des réminiscences que des avertissements: par exemple ce rêve où je me faisais dépouiller dans le métro me paraît lié à des vidéos entrevues sur Youtube, un monde de courts-métrages de mauvaise facture mais à thématique orientée, qui doivent plaire à un certain public sans illusions. On pourrait dire que ce rêve signifie qu'il faille que je me tienne sur mes gardes, qu'un danger me guette (lequel?) - mais je suis sans cesse sur mes gardes, et toujours conscient de l'imminence d'une catastrophe, dans son attente même!...

samedi 5 février 2011

Por ce ai changié mon corage

Impossible de trouver sur Internet, même en payant, le texte complet des Vers de la Mort d'Hélinand de Froidmont, cet incroyable poème que j'avais découvert il y a plus de quinze ans dans une poussiéreuse anthologie de poésie médiévale. C'était lors d'un voyage en Normandie. J'avais ensuite recopié à la main le texte sur des feuilles qui doivent se trouver quelque part chez mes parents - époque ancienne... maintenant ils seraient déjà sur mon disque dur.
Quel renversement technologique! Autrefois j'étais en réalité plus proche d'Hélinand de Froidmont, recopiant soigneusement de vieux manuscrits dans le scriptorium de son abbaye. Aujourd'hui il me suffit d'une rapide recherche pour trouver les mêmes mots sous forme dématérialisée... pour être plus précis, ce serait le scénario idéal, si seulement Internet avait rempli toutes ses promesses! Car je n'ai trouvé que des copies de livres du début du XXe siècle, avec le poème dans sa version original (en picard), ou bien de vagues citations. J'ai dû commander le livre de la plus récente traduction en français moderne (1983) qui est probablement celle que j'avais lue: je l'aurai dans sept jours, soit bien après que l'envie m'en sera passée... J'ai même pensé en faire moi-même une nouvelle traduction pour la mettre en ligne, afin d'enrichir le savoir collectif et gratuit.

Tout cela ouvre de nombreux horizons. Peut-on encore être un écrivain aujourd'hui, le concepteur d'un produit fini appelé livre? Pour un long roman, il est probable que le livre matériel est encore le seul support valable (le "livre électronique" étant décidément trop inconfortable). Mais pour des textes courts, de la poésie, pourquoi s'encombrer d'un livre? Je ne m'explique pas pourquoi le développement d'Internet n'a pas encore coïncidé avec un épanouissement de la poésie. Ce serait tellement facile!

Une coquille vide, une place libre (3)

Brève lecture d'un sourire sur une image! Qui me dit que ce "renard" est heureux au Canada? On pourrait imaginer au contraire une vie sordide, sa thèse n'aboutissant à rien, l'environnement hostile d'une administration en manque de moyens, ensevelie sous les neiges du Québec. Ne s'est-il pas lassé des milieux spongieux, des forêts emmoustiquées? Et je pleurniche inconsidérément...
Sur moi aussi, pourtant, en se basant sur un instant photographié, on pourrait échafauder une vie heureuse. Et ces récits imaginaires de ma vie pourraient avoir valeur de vérité autant que les descriptions changeantes, partielles, dont je peuple ce blog. Je sais la part de bonheur que je dois à Della Rovere, les murs percés de rares fenêtres que j'ai construits progressivement, et derrière lesquels je m'abrite, par crainte des coups de vents, des séismes... Bien sûr, qui n'aspirerait pas à la vie lisse et sans ambiguïtés que reflète le visage des autres!
Sombre époque où le bonheur n'est pas un droit, mais un devoir! Et je plonge en toute hâte dans ce siècle, replâtrant les fissures, hédoniste, maniant en toute insouciance le joystick d'une existence virtuelle, comme si ni mort ni souffrance n'existaient.