Cette allusion au Talmud me rappelle que je m'étais promis de résumer mon mode itératif, "hébraïque", d'écriture (j'entends par cette expression la façon avec laquelle la pensée religieuse juive s'est développée par commentaires, puis commentaires de commentaires, à l'infini). Cela a commencé dès la rédaction de 2N2J, Commentaires de Vers la Vie. Le sous-titre en donnait bien la nature: il s'agissait de construire quelque chose de nouveau sur la base d'un corpus de textes existants. De même, la succession des romans de Frino où certaines allusions ou scènes sont identiques, où l'on rappelle l'histoire d'un précédent personnage, ne sont que des façons de remâcher encore le même sujet. J'ai du mal à m'éloigner de textes anciens, à créer ex-nihilo un univers. D'où l'intérêt aussi des "journaux d'un roman", qui ont souvent plus de consistance que le roman lui-même (généralement, un avorton).
Pus grave que cela, le plus grand obstacle est mon manque d'empathie. De même que je n'écris rien qui ne soit répétition d'une autre manière, de même je n'arrive pas à me mettre franchement dans la peau d'un autre homme d'une autre femme, qui ne soit pas un double de moi-même. C'est pour cela que les seules choses terminées étaient de l'ordre du texte à clé, où tout était finalement ramené à moi. Je n'ai pas commencé à écrire pour raconter le monde, j'écris pour qu'on me regarde: auto-justification, "épandage de sa propre merde" (dixit le gourou Eclot), et ne parlons pas des poèmes.
Mais je voudrais désormais arriver à changer de sujet, plus de quinze ans après les premiers tâtonnements "vers la vie", d'où l'idée de ce roman sur Rubens, de ces poèmes sur des événements historiques, de cette romance d'Istanbul, qui ne seraient plus des recueils de soupirs, mais les expressions d'un verbe libre adapté à l'expérience universelle...