jeudi 20 août 2015

Aéroport, août 2016

Je suis bloqué. Je me sens bloqué. Je ne sais pas quels mots attribuer, ni même s'il faut attribuer des mots. On aimerait qu'ils nous ouvrent à la connaissance du monde et de nous-mêmes. En réalité, ils m'ont servi d'œillères pour refuser de voir les choses. Et maintenant que je devine, que j'aperçois à travers les œillères déchirées, j'aurais dû, j'aurais dû… Je ne vois que les occasions manquées, que les décrépitudes à venir, l'effrayante solitude du présent. Comme j'aurais aimé être un créateur d'artifices! Dans un nuage de poussière et d'étoiles, les mots éparpillés avec splendeur, un imaginaire profond, enchanteur pour tous… Je suis collé à la terre, englué dans les contradictions, décrivant les mêmes choses à travers les mêmes focales depuis des années, sans pouvoir en changer, sans pouvoir rien montrer… Que puis-je apporter de nouveau? Que puis-je donner à quiconque? Et si au moins cela servait à quelque chose!

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Impasse de la vie littéraire, impasse de la vie. Il suffirait d'abandonner une relation plaisante, une compagnie agréable, de renoncer au désir de paternité, aux cris des enfants, de rompre toute attache… la liberté en détruisant ses rêves? Comment s'y résoudre? Je suis comme ces navigateurs auxquels on impose de quitter un rivage fertile, les rives d'un Cap-Vert luxuriant, parce qu'on leur a promis qu'il y aurait, peut-être, un peu d'or derrière l'Océan, et parce que leur soif d'or est irrésistible. Mais qui parle d'or? Je n'exige pas grand-chose de la vie, un peu de lumière, un peu de vin… "Il trouvait que le bonheur mérité par l'excellence de son âme tardait à venir" (Flaubert, L'Education sentimentale).