mardi 21 juin 2016

Please leave

Débat final sur le "Brexit"... Et cette impression que l'on ne parle pas de la même chose, que l'on ne vit pas sur le même continent. Même le camp du Remain semble tout à fait eurosceptique, incapable d'avoir le moindre argument positif sur l'Union européenne, sur le rôle du Royaume-Uni en Europe. Le seul argument semble être l'annonce d'une catastrophe à très court terme, scenario assez peu probable... Il aurait pourtant été facile de glisser au moins trois avantages dans l'Union: le marché unique, les droits et libertés dont jouissent les Britanniques dans l'Union européenne, la possibilité d'affronter ensemble les grands enjeux mondiaux. Cela a sans doute un coût, mais si personne n'explique à quoi sert cet argent, je comprends le vote Brexit. Si personne n'explique le rôle des institutions communes, je comprends qu'elles soient détestées. On ne remplace pas en deux mois deux décennies de désinformation.

Ceci dit, j'admire les talents d'orateurs (sur du vent), les réparties. On n'aurait jamais vu un tel débat en France où les débats politiques, plus policés, ressemblent à une séries de "grands oraux"... Je lis aussi que l'enjeu était de convaincre la "classe ouvrière", les écossais,  voire même les immigrés du Commonwealth (qui, eux, peuvent  voter à la différence des européens ou des Britanniques installés en Europe, quelle honte!). La libre circulation la solidarité européenne, sont sans doute de vains mots dans le cadre de ce débat. Il y vraisemblablement des arrières-plans politiques qui m'ont échappé.

Mais tout de même, que personne ne reprenne la partisane du Brexit quand elle dit que l'Union européenne discrimine contre les non-Européens (!) - sans doute un appel du pieds aux électeurs du Commonwealth - qu'elle ne voit pas pourquoi les Chinois, les Indiens, n'ont pas les mêmes droits que les Européens, on croirait rêver. "Take back control" - pourquoi pas? Mais ce sera simplement une perte de contrôle des Britanniques sur l'Union, phénomène auto-réalisateur à force de déconsidérer l'Union. Si le sentiment d'appartenance à une communauté européenne n'existe pas, si le seul gain est un bénéfice commercial, il vaut mieux partir en effet. Et c'était ma conclusion un peu écœurée après ce débat absurde et incompréhensible: "Please, leave!"

S'ils restent, ce sera pour de mauvaises raisons. Il faut vraiment que l'Europe évolue,  que l'on explique pourquoi l'Europe existe, que l'on développe ce sentiment d'appartenance commune (que les jeunes générations ont sans doute davantage, il faut aussi un peu de patience), se concentrer sur ce qui est utile, ce qui a du sens - mais obliger aussi les gouvernements à assumer leur appartenance, réagir en cas de désinformation. Il faut que quelqu'un parle pour l'Europe. Pour l'instant, comme dans le débat du Brexit, personne n'a rien dit.

Le meurtre de Jo Cox (2)

L'injustice de cette mort me révolte. "Britain first"... Mais Jo Cox n'a sans doute jamais dit que l'Europe devait être mise sur le premier plan: c'était une patriote à la façon dont chacun devrait l'être, persuadée que le Royaume-Uni était plus puissant dans l'Union que seul. Le discours fédéraliste (largement discrédité depuis longtemps - une espèce en voie d'extinction dont je me demande même si elle a eu un début d'existence authentique, comme les éléphants nains de Sicile) en a peut-être égaré quelques uns, mais le vrai discours européen est aussi un discours patriotique national, la souveraineté partagée doit pouvoir rendre plus puissant. Difficile de convaincre tout le monde probablement.

Ceci dit, j'ai pu critiquer Cameron  par le passé mais il a bien fait de convoquer le référendum sur le Brexit. La position du Royaume-Uni dans l'Union européenne telle qu'elle se pratiquait ces dernières années n'était plus tenable. Le référendum, quel que soit son résultat, aura le mérite de la clarté: l'engagement à reculons et la critique perpétuelle (de façade) n'avaient pas beaucoup de sens. Même si le "remain" l'emporte, j'espère que ce ne sera pas un status quo mais l'occasion d'une remise en cause profonde (également pour l'Europe, mais peut-être dans une moindre mesure). Si le "brexit" l'emporte, le Royaume-Uni se retrouvera dans l'absurde position de la Norvège, à subir des politiques qu'elle n'a pas pu influer... Ou alors comme un bateau pirate ancré à l'embouchure de l'Europe... 

Perspectives guère plaisantes, mais ce sera l'occasion pour l'Union de résoudre sa crise de légitimité, celle d'être toujours "les autres" que "nous". Peut-être que l'idée de "communauté" était plus valable? Il doit y avoir des solutions vraiment innovantes, qui ne passent pas par la réplication d'institutions nationales, ou par l'utilisation de structures existantes largement discréditées (dans le mouvement général de discrédit créé par les nouvelles technologies et la fin de la guerre froide, obligeant l'État à devoir prouver son utilité pour autre chose que trois réformettes ou la lutte contre des groupuscules terroristes). Il faut créer des consensus là où il peut y en avoir, "stratégie des petits pas",  non pas vers une fédération totale mais vers un bloc capable d'assumer sa puissance.

lundi 20 juin 2016

Sur un auteur dilettante

Je n'ai pas encore vraiment évoqué la seule critique jamais reçue du GRMF: j'en attendais d'autres à l'époque (septembre 2014), mais il n'y en a pas eu. Et (sans doute heureusement) l'absence de publication m'a évité des critiques plus profondes, ou des crises plus graves.

Je ne l'avais pas évoquée non plus car je n'arrivais pas à la comprendre tout à fait. Je ne suis pas certain que le lecteur (ou la lectrice) soit vraiment allé au-delà de la dixième page, mais au lieu de critiquer la critique j'aimerais pouvoir en tirer quelques leçons utiles. Ceci dit, je suis assez perplexe: par exemple, j'avais peur que l'histoire aille trop vite, qu'elle soit trop touffue et je lis "l'intrigue mise en scène est assez simple et mal développée. Elle avance très laborieusement." C'est plutôt rassurant.

Sur la question des quatre narrateurs (en réalité, il y en a cinq), j'imagine que j'aurais pu aller plus loin dans la différenciation même si ce n'était pas forcément l'idée: "Nous voyons peu de différence dans la focalisation des quatre grandes parties puisque les différents points de vue adoptés ne permettent pas de livrer des versions originales ou très personnelles des évènements". 

Enfin, une phrase qui montre qu'il/elle a bien saisi l'essence complètement creuse des pantins que je décrivais dans le GRMF, mais ceux qui comptait pour moi n'étaient pas les "héros", mais les narrateurs eux-mêmes, Jacqueline Berger, Matteo Faliardi, Barbara Stin, etc. "Vos personnages, qui évoluent dans un milieu assez superficiel, paraissent eux-mêmes superficiels et trop attachés aux apparences, trop calculateurs : "Dans la matinée, elle avait changé de stratégie : elle avait cherché à démontrer que nous formions un couple réel [...]". On ne s'attache pas à eux une seule seconde."

Je ne comprends pas à quoi lui a servi de citer cette phrase qui est typiquement l'essence de ce que raconte le GRMF, les stratégies changeantes et souvent manquées de protagonistes "calculateurs" pour survivre dans ce milieu "assez superficiel". Je suis désolé qu'il/elle ne se soit pas attaché/e aux personnages une seule seconde et de lui avoir fait perdre son temps (je lui suis néanmoins reconnaissant pour ce paragraphe, les autres n'ont pas pris cette peine). A la réflexion (après presque deux ans...) je me rends compte que cette critique rejoint les limites que j'ai vues dans mon propre livre, le manque de profondeur lié au manque de précision, il aurait fallu être plus incisif et moins choral peut-être, se concentrer sur le ressenti d'un seul personnage auquel on aurait pu se lier dans ce cirque. J'ai voulu trop faire avec pas assez de moyens.

vendredi 17 juin 2016

Le meurtre de Jo Cox

Cette mort est l'aboutissement de trente ans de désinformation, de quinze ans d'appels au meurtre - non pas dans une médersa lointaine, mais au cœur de nos institutions. "They will storm this chamber and hang you and they'll be right!"* Les mots finissent par avoir un sens, hélas. 

J'aimerais que certains se sentent un peu coupables, mais il n'en sera rien. 

Et cette sensation horrible que Jo Cox n'est que le début d'une série, que ce meurtre marque non pas le retour de la raison dans nos pays, mais le début du délitement, le plongeon dans l'absurde et la violence. A partir du moment où les hommes d’État se sont évaporés (étaient-ils seulement autre chose qu'un mythe, même autrefois?), et que la prime va au n'importe quoi, le réel, la vie des autres n'ont plus grande importance.