lundi 18 mai 2020

Message ouvert pour

Terrible angoisse. On voudrait que tout se passe bien. Empêché d'accéder au centre médical (pour cause de coronavirus), j'attends des messages qui tarderont bien trop.
Immatérialité et impuissance.
S'il lui est donné d'exister et d'arriver à l'âge des questions et des troubles, j'espère qu'il/elle ne doutera jamais d'avoir été intensément désiré(e)!

*

Me revient le message ouvert pour moi à l'abbaye de Chantelle:

"Qui regarde le vent, ne sème point,
qui observe les nuages, ne moissonne pas.
Comme tu ne connais pas la route du vent, ni les secrets d'une femme enceinte, ainsi tu ne peux connaître l’œuvre de Dieu qui dirige tout."




mercredi 13 mai 2020

Retour sur 2019

Je regrette de ne pas avoir davantage décrit, sur le moment, les événements de cette année si différente des autres pour moi. Non qu'il y ait eu le moindre changement tangible dans le cours de ma "vie extérieure", mais ces événements ont enrichi ma "vie intérieure" d'émotions nouvelles, qui auraient mérité de figurer ici.

Pour me justifier, je dirais que ces émotions étaient justement trop vivantes, trop incertaines, pour être  "partagées". La puissance mensongère du souvenir devra s'y substituer, qui déjà recrée les choses sous un angle moins vivace, plus apaisé.

mardi 5 mai 2020

Bundesverfassungsgericht

On se souviendra que le coup de grâce et le renversement de l'Union européenne seront venus, non d'autocrates extrémistes ou d’États périphériques jamais convaincus par le projet, mais de juges constitutionnels confortablement drapés dans des convictions statiques et nationales des enjeux contemporains.

Ceci dit, l'Union européenne se construit sur des ambiguïtés, sur des contradictions, sur des reculs aussi. La dimension "fédérale" de la Cour de Justice de l'Union européenne et son activisme dynamique en faveur de la construction européenne étaient passées sous l'écran de radar, et lui avaient permis de prendre le relais d'une Commission impuissante et d'États incertains. Cette situation n'était peut-être pas viable démocratiquement (pas plus néanmoins qu'une rébellion de juges nationaux qui s'arrogent l'interprétation du droit européen pour 26 autres États). 

La création d'un espace démocratique lisible pour les citoyens européens devraient idéalement se substituer à ces échafaudages bancals, mais la société prend le chemin inverse, avec son hyper-fragmentation du fait des réseaux sociaux (qui entretiennent les effets de bulle et de complot), sa fascination pour les discours simples et radicaux dont la violence même rassure (car donne l'illusion que tout est possible?). 

La crise du coronavirus pourrait peut-être permettre un certain réveil (la "crise", c'est "l'irruption de l'avenir dans le présent" - intéressante formule du Dyonisien). L'inanité et l'impuissance des présidences autocratiques sont exposées (mais les intéressés le perçoivent-ils seulement? l’aveuglement semble irréversible hélas), les manipulations sont dénoncées. Il est aussi apparu clairement que l'impuissance des institutions européennes provient surtout des dissensions entre États-Membres, et que les solutions ne sont pas à Bruxelles mais à Berlin ou La Haye. D'un côté, l'absence d'une communauté, de l'autre, la demande presque désespérée d'une communauté ("que fait l'Europe?"): cette contradiction conduit à des situations négatives (dont profitent les extrêmes, qui brocardent l'inaction d'une Europe dont ils ont pourtant coupé les ailes!), et force l'Europe à n'avancer qu'à reculons, forcée par des catastrophes successives, quand toute autre option mènerait à l'anéantissement.

vendredi 1 mai 2020

Une impression durable

Réveil au milieu de la nuit.... Je me trouvais dans le métro, un peu égaré, je rencontrais soudain ma grand mère (paternelle). Nous n'avons pas parlé mais nous nous sommes étreints, avec émotion.

Rêve d'autant plus étonnant que je pense rarement à elle, que je n'en parle pas, qu'elle m'évoque peu de souvenirs. Dans notre enfance, nous étions loin de C**, et nous la voyions surtout dans des occasions assez formelles (avec pour seuls souvenirs les nuits à écouter les voitures, et les promesses non-tenues de tante Roberte). Nous étions aussi "manipulés" pour ne pas aller la voir - elle en avait fait le reproche (justifié) à ma mère, qui prétendait que nous nous ennuyions à C** et nous demandait de le dire. Pourtant, j'ai en mémoire son rire, des jeux de cartes ou livres anciens que j'y lisais, une journée où nous étions allés au manège et avions attrapé le pompon (les plaisirs de la vraie ville, que nous ignorions dans notre quartier "péri-urbain"). 
Ce n'est pas grand-chose.
Passé mes dix ans, elle a commencé à décliner, à perdre lentement l'esprit, et c'était une gentille personne poudrée un peu gênante, à qui l'on ne savait quoi dire, et qui ne nous reconnaissait plus (je me demande comment nous aurions pu faire sur elle une impression très durable, alzheimer ou non, en l'ayant vu si rarement).
Pourtant, l'émotion de la voir "dans le métro" était bien réelle cette nuit, comme si nous avions des choses à partager, une relation jamais construite, une tendresse jamais exprimée.

Couper les vivres

Je repense souvent à cette discussion déjà ancienne, il y a deux ou trois ans peut-être. Mon père expliquait qu'une cousine (déjà étudiante) était en couple avec un homme beaucoup plus vieux qu'elle, et que, par réaction, mon oncle lui avait "coupé les vivres". Cette mesure avait paru tout à fait raisonnable à mon père (notons au passage que l'oncle en question a quitté son épouse pour une femme plus jeune... on n'est plus à un paradoxe près).

Cette anecdote en dit plus que cent messages que je pourrais écrire. Il n'y aurait pas eu d'échappatoire (si la situation avait dû se présenter), uniquement des réactions violentes, des renonciations terribles. Dans tout cela, "l'amour paternel" n'a pas sa place, il ne l'a jamais eue.