mardi 5 mai 2020

Bundesverfassungsgericht

On se souviendra que le coup de grâce et le renversement de l'Union européenne seront venus, non d'autocrates extrémistes ou d’États périphériques jamais convaincus par le projet, mais de juges constitutionnels confortablement drapés dans des convictions statiques et nationales des enjeux contemporains.

Ceci dit, l'Union européenne se construit sur des ambiguïtés, sur des contradictions, sur des reculs aussi. La dimension "fédérale" de la Cour de Justice de l'Union européenne et son activisme dynamique en faveur de la construction européenne étaient passées sous l'écran de radar, et lui avaient permis de prendre le relais d'une Commission impuissante et d'États incertains. Cette situation n'était peut-être pas viable démocratiquement (pas plus néanmoins qu'une rébellion de juges nationaux qui s'arrogent l'interprétation du droit européen pour 26 autres États). 

La création d'un espace démocratique lisible pour les citoyens européens devraient idéalement se substituer à ces échafaudages bancals, mais la société prend le chemin inverse, avec son hyper-fragmentation du fait des réseaux sociaux (qui entretiennent les effets de bulle et de complot), sa fascination pour les discours simples et radicaux dont la violence même rassure (car donne l'illusion que tout est possible?). 

La crise du coronavirus pourrait peut-être permettre un certain réveil (la "crise", c'est "l'irruption de l'avenir dans le présent" - intéressante formule du Dyonisien). L'inanité et l'impuissance des présidences autocratiques sont exposées (mais les intéressés le perçoivent-ils seulement? l’aveuglement semble irréversible hélas), les manipulations sont dénoncées. Il est aussi apparu clairement que l'impuissance des institutions européennes provient surtout des dissensions entre États-Membres, et que les solutions ne sont pas à Bruxelles mais à Berlin ou La Haye. D'un côté, l'absence d'une communauté, de l'autre, la demande presque désespérée d'une communauté ("que fait l'Europe?"): cette contradiction conduit à des situations négatives (dont profitent les extrêmes, qui brocardent l'inaction d'une Europe dont ils ont pourtant coupé les ailes!), et force l'Europe à n'avancer qu'à reculons, forcée par des catastrophes successives, quand toute autre option mènerait à l'anéantissement.