Les bonnes consciences se lamentent que les adolescents ne découvrent la sexualité qu'à travers une pornographie devenue trop facilement accessible. Pourtant, je ne pense pas que quiconque puisse se laisser abuser par les positions et les performances (une première rencontre enseigne de toute façon ce qui est dans le champ du possible, de l'exigible, et les limites de l'exercice); le risque est plutôt de voir le sexe comme quelque chose de mécanique, sans odeur, sans goût - quelque chose dont il ne faut pas rire, non plus. Et l'irruption du goût et des odeurs paraîtra soudain un peu scabreux, un peu repoussant (comment pourtant les éviter? ils font l'essentiel de la sensation). Le désir sera devenu cérébral, visuel plus que sensuel.
Deux ou trois situations récentes m'incitent à penser que je n'ai pas non plus dépassé ce stade... mais c'est un problème dont il semble qu'on puisse guérir: "J'ai aimé les mets au haut goût: le pâté de macaroni fait par un bon cuisinier napolitain (...), la morue de Terre-Neuve bien gluante, le gibier au fumet qui confine, et les fromages dont la perfection se manifeste quand les petit êtres qui les habitent commencent à se rendre visibles. Pour ce qui regarde les femmes, j'ai toujours trouvé que celle que j'aimais sentait bon, et plus sa transpiration était forte plus elle me semblait suave. Quel goût dépravé!" (Casanova*).
PS: cela me rappelle qu'une amie, il y a quelques années, m'avait dit trouver que je sentais bon - compliment étrange qui était "tombé dans l'oreille d'un sourd", et dont je ne l'ai jamais remerciée, même s'il avait finalement quelque valeur (et c'était sans doute le plus extrême qu'elle pouvait faire*).
PS2: à ce propos, j'ai aperçu sur une étagère un livre intitulé "Le miasme et la jonquille", d'Alain Corbin*, qui semble décrire la façon dont l'odorat a été chassé de nos convenances, depuis le XVIIIe siècle. A rajouter à la longue liste des livres à lire.
PS2: à ce propos, j'ai aperçu sur une étagère un livre intitulé "Le miasme et la jonquille", d'Alain Corbin*, qui semble décrire la façon dont l'odorat a été chassé de nos convenances, depuis le XVIIIe siècle. A rajouter à la longue liste des livres à lire.