Dîner entre amis, lors d'une nuit de mi-été: sous une pluie légère, le macadam exhalait cette haleine de rue mouillée qu'apprécient tous les urbains dégénérés comme moi, de même qu'ils apprécient la rumeur de la ville et le bruit rassurant des voitures quand ils rêvent, sagement allongés dans leurs lits.
La moitié du repas avait été consacrée au sujet qui m'est cher, et sur lequel pourtant je ne trouvais rien à dire. Ce n'était pas de peur de trop parler: je me suis simplement rendu compte que je n'avais jamais cherché, dans toute ma jeunesse, à comprendre ce qui m'était arrivé, à en évaluer les causes, à chercher d'autres exemples ailleurs. Me plaindre et m'évader, oui! j'ai su faire et j'ai fait continuellement. Mais me poser, réfléchir calmement, et agir sur cette base, j'en ai été incapable; je me suis lancé dans la vie les yeux fermés. Je me suis adapté aux circonstances sans chercher à vraiment peser sur elles (ou si rarement!) - comme un arbre* se contorsionnerait pour trouver la lumière plutôt que de forcer directement son passage à travers les murs d'une maison en ruine.