lundi 11 août 2014

Sur le Rouge et le Noir (1)

Comblant enfin une lacune énorme de ma jeunesse, j'ai mis à profit quelques jours de vacances pour lire Le Rouge et Le Noir. A la décharge de l'adolescent d'autrefois, j'en avais tenté la lecture à plusieurs reprises mais le livre m'était tombé des mains. Ce qu'en écrit Julien Gracq* m'avait convaincu de reprendre le livre...

... et maintenant que je l'ai lu, je me rends compte que mes goûts n'ont peut-être pas autant changé que je l'imagine: je n'ai pas aimé, je ne comprends même pas pourquoi on fait un tel cas de cette œuvre!
Tout me semble sonner creux: par exemple, Stendhal cherche à nous faire croire que Julien Sorel est un ambitieux (mais l'est-il vraiment? s'en donne-t-il jamais les moyens?) ou un amoureux (mais l'est-il vraiment? parfois, il se comporte en calculateur froid (sur le mode "fuis-moi je te suis"), l'instant d'après il "fond en larmes": c'est grotesque). A la limite toutefois, cette inconstance pourrait passer pour un certain réalisme. Rares en effet sont les amoureux ou les ambitieux à toute heure... Mais comment un être aussi inconstant pourrait avoir assez de fermeté pour tuer Mme de Rênal, pour ne pas changer d'avis cinq fois en chemin? Tout cela ne fonctionne pas. Les "rebondissements" de l'intrigue m'ont vite lassé; à partir de l'arrivée de Julien Sorel à Paris, le livre a perdu tout intérêt pour moi.

*

Une exception toutefois: la merveilleuse ellipse de la fin du livre (aveu d'impuissance de l'auteur?), qui laisse le lecteur libre d'imaginer la mort de Julien Sorel, et qui correspond bien à ce qu'ont dû ressentir les deux femmes, à ce que nous ressentons tous face à la mort: l'instant d'avant il nous parle encore et l'instant d'après il a disparu.

"— Qui sait ? peut-être avons-nous encore des sensations après notre mort, disait-il un jour à Fouqué. J’aimerais assez à reposer, puisque reposer est le mot, dans cette petite grotte de la grande montagne qui domine Verrières. (...) Eh bien ! ces bons congréganistes de Besançon font argent de tout ; si tu sais t’y prendre, ils te vendront ma dépouille mortelle…
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Fouqué réussit dans cette triste négociation. Il passait la nuit seul dans sa chambre, auprès du corps de son ami, lorsqu’à sa grande surprise, il vit entrer Mathilde"

Si seulement il y avait eu plus d'ellipses similaires!