mercredi 16 mars 2016

Une Bible froissée

Dans la chambre d'hôtel africaine, une bible froissée: j'ai relu la fin des évangiles, toujours intéressé par ce "Jésus de la résurrection" que j'ai déjà évoqué précédemment. Il y flotte un tel mystère - le récit est bâclé, extrêmement rapide ("et il apparut encore en deux endroits"), avec des incohérences tellement grosses qu'on se demande pourquoi les premiers chrétiens ne les ont pas discrètement gommés (parfois un ange, parfois deux anges - c'était facile à corriger discrètement...).
 
C'est comme si les évangélistes (à la suite des disciples?) avaient été gênés par la résurrection, ne savaient pas vraiment quoi faire de ce Jésus soudain revenu parmi eux, alors qu'ils s'étaient déjà éparpillés, renfermés dans la désolation. Est-ce lui? Est-ce un autre qui est réapparu, ou, comme le suggérerait apparemment l'Islam*, est-ce un autre qui a été crucifié? Le récit est tellement maigre, qu'on est aussi perplexe, aussi effrayé que les femmes au tombeau. 

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Autre question: si Jésus était encore là, pourquoi n'a-t-il pas fait une apparition plus éclatante, devant ses anciens bourreaux, devant tout le peuple? Cela aurait simplifié considérablement la tâche de tout le monde, en particulier des apôtres... Mais Jésus n'en a pas voulu, a préféré défier notre foi et notre raison, nous laisser libre de notre opinion, de croire ou non en lui. Ce serait une explication à ces conclusions étranges des évangiles: les disciples, plus que perplexes, sont surtout déçus qu'il apparaisse en coup de vent, que sans les aider il disparaisse de nouveau (comment? ce n'est pas clair non plus). 

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Et ce cri, l'un des rares dans les évangiles à rester dans sa langue originale: "Eli, Eli, lama sabachthani ? c'est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné". Il résonne encore deux mille ans après - la plus féroce colère de l'homme face à dieu. Mais si même Jésus a douté, qui peut croire? Et s'il a douté, était-il seulement le fils de Dieu? 

Je n'y crois pas, et pourtant j'aimerais y croire, j'éprouve de la peine de ne pas y croire: c'est le doute de l'incroyant. Mais je vis avec les textes, peut-être qu'un jour un détail me rendra les choses évidentes, lumineuses.