Merveilleuse page de Houellebecq, que j'avais photographiée il y a quelques mois
*, et que je viens de confondre par mégarde, en retrouvant la photo, avec du Simon Leys - c'est dire!
Pourquoi continuer à lire? C'est une question que je me pose beaucoup ces temps-ci... Je peux concevoir que certaines personnes ont besoin de la lecture pour être transportées dans d'autres univers, et qu'elles prisent la rencontre avec l'imaginaire d'un auteur. De mon coté, je me soucie plus de l'imaginaire des autres: il y a longtemps qu'il me semble dérisoire, un décor de carton-pâte qui ne veut rien dire pour moi, qui ne dit rien sur le monde, même chez Stendhal
par exemple. Mais la rencontre avec l'auteur oui, la découverte d'un esprit qui a quelque chose d'intelligent à me dire sur la vie et le monde, voilà ce que je veux lire. Et cela peut prendre la forme d'un poème, d'un roman, d'un essai, d'un blog (!) pourvu qu'il soit authentique, personnel.
"Seule la littérature peut vous permettre d’entrer en contact avec
l’esprit d’un mort, de manière plus directe, plus complète et plus
profonde que ne le ferait même la conversation avec un ami - aussi
profonde, aussi durable que soit une amitié, jamais on ne se livre, dans
une conversation, aussi complètement qu’on ne le fait devant une
feuille vide, s’adressant à un destinataire inconnu. Alors, bien entendu, lorsqu’il est question de littérature, la beauté du style, la musicalité des phrases ont leur importance; la profondeur de la réflexion de l'auteur, l’originalité de ses pensées ne sont pas à dédaigner; mais un auteur c’est avant tout un être humain, présent dans ses livres, qu’il écrive très bien ou très mal en définitive importe peu, l'essentiel est qu'il écrive et qu'il soit, effectivement, présent dans ses livres (il est étrange qu'une condition si simple, en apparence si peu discriminante, le soit en réalité tellement, et que ce fait évident, aisément observable, ait été si peu exploité par les philosophes de diverses obédiences: parce que les êtres humains possèdent en principe, à défaut de qualité, une même quantité d'être, ils sont tous en principe à peu près également présents; ce n'est pourtant pas l'impression qu'ils donnent, à quelques siècles de distance, et trop souvent on voit s'effilocher, au fil de pages qu'on sent dictées par l'esprit du temps davantage que par une individualité propre, un être incertain, de plus en plus fantomatique et anonyme). De même, un livre qu'on aime, c'est avant tout un livre dont on aime l'auteur, qu'on a envie de retrouver, avec lequel on a envie de passer ses journées."
Michel Houellebecq,
Soumission