jeudi 19 mai 2016

Près des douze étoiles

Mes projets d'écriture sont à un point de non-désir profond, mais quand la mauvaise conscience me reprend, me reprend aussi cette vieille idée d'utiliser mon milieu professionnel comme source d'un roman - une source peut-être bientôt tarie - mais j'avais justement écarté cette possibilité jusque maintenant en pensant qu'il n'y avait pas là de "sujet littéraire", alors que l'effondrement d'un rêve, et son inévitable nostalgie, constitue un sujet littéraire très valable, très classique même. Toute la grande littérature de 1820-1850 s'est construite sur l'effondrement du rêve napoléonien: il en sera peut-être de 2020-2050 (si nous survivons).

Il faut une connaissance mais aussi une distance - sinon le risque est grand de tomber dans la propagande ou la caricature. Si je devais écrire quelque chose sur l'Europe d'aujourd'hui, ce ne serait sans doute pas élogieux - mais le blâme est plus général: aucune construction institutionnelle ne sait plus où elle va, et la démocratie tournoie dans le vide - aimantée par d'absurdes candidats du "bon sens".

L'autre problème est de transformer mon insignifiante expérience en quelque chose d'intéressant - mais c'est là que l'imagination peut se développer. Qui pourra encore vérifier, dans 20 ans? Et après tout, j'ai vécu suffisamment près des douze étoiles pour en avoir tiré quelques croquis utiles, à défaut de selfies facilement exhibable. Je vois une sorte de dialogue à deux voix, sur un rivage échoué, entre une personne qui me ressemblerait et un "héros" qui aurait vécu au cœur de l'action (encore une fois je me rends compte que j'attache plus d'importance au narrateur qu'aux personnages - ce qu'avait semblé me reprocher l'éditrice - mais pourquoi les personnages devraient être "attachants"? Le regard est plus important que la vision, aurais-je pu dire pour me justifier, et c'est pourquoi le narrateur importe plus que le sujet qu'il narre. Mais c'est certes un peu facile, comme réponse, et l'on ne peut pas toujours écrire sur rien, sur des fantasmes changeants (l'idée du GRMF), en tout cas pas quelque chose qui s'ambitionne durable).
Je tacherai d'aller plus loin.