dimanche 15 novembre 2020

La nuit de novembre

"De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu'un soupir,
Et s'évanouit comme un rêve."

Lisant ces vers de Musset (curieusement toujours lisibles et parlants, malgré tout le temps et toutes les critiques amoncellés depuis), je repensai à la fin de mes "échanges" avec Maître Kanter... Fin dont je mets du temps à me résoudre, alors que la question est close depuis longtemps certainement. Quel nom donner à tout cela ? Le mot "échange" est-il même correct ? Qu'ai-je donné ? Qu'ai-je reçu, à part un peu de confiance en moi vite étanchée, quelques illusions construites sur des mensonges et des silences, et jamais aucun geste ni aucun rêve ? Il ne me reste rien que des questions innombrables, que des incertitudes. Je suis même incapable de savoir ce que je voulais, ce que je veux, ce que je voudrai un jour !

A un moment pourtant, j'ai cru voir une solution possible. La présence quasi-imaginaire de Maître Kanter comblait un besoin, me permettait de m'exprimer, me renvoyait une image plaisante, encore jamais vue. De cela, je devrais être reconnaissant. Et je le suis, même s'il s'agissait sans doute plus pour moi d'une construction intérieure que d'un être réel, et j'ignore à qui adresser ma gratutide. "Tels sont les désirs qui nous ont quittés sans s’être accomplis ; sans qu’aucun n'atteigne à une nuit de volupté ou à son lumineux matin."

samedi 14 novembre 2020

Ils sont dans le jacuzzi...

Dans ces moments d'ennui, promenade sur Instagram où, par le jeu des algorithmes, surgissent en foule les images de ces couples heureux, amoureux, voyageurs, élégants, sportifs, désirables en tous points... J'avais lu il y a quelques temps qu'Instagram est le réseau social qui rend le plus malheureux (dans une rude compétition avec les autres réseaux !).
On a beau savoir que ce ne sont que des fictions personnelles, qu'eux-mêmes dissimulent leurs douleurs, leurs solitudes, s'angoissent dès que les réactions leur semblent insuffisantes, se grisent de l'avis de parfaits inconnus... Mais parfois, au détour d'une image, par certains aspects de vie ordinaire, on croit deviner un peu d'authenticité, une vérité vaguement plausible. Et la question perpétuelle revient: pourquoi rien de cela ne m'est jamais arrivé ? Même pas le reflet de cette image ? Même pas le commencement d'une ébauche d'un reflet de cette image ?

*

Et encore, je regarde cela "de l'autre côté de la jeunesse", de l'autre côté de la vie. Mais pour un jeune aujourd'hui, combien en effet ces images doivent être frustrantes, douloureuses. A l'époque, rien de cela n'existait. Il n'y avait quasiment rien entre la littérature et la pornographie pour constituer un imaginaire. En étions-nous plus heureux, ou moins heureux ? Je l'ignore.
Ces images m'auraient rendu malheureux certainement, mais peut-être m'auraient-elles aidé, à leur façon, à comprendre ce à quoi ma future vie pouvait ressembler. Au lieu de cela, je ne voyais alors que des récits sordides, des "ponts des soupirs" scabreux, des personnages caricaturaux qui n'éveillaient en moi ni jalousie, ni aucun désir. 

mercredi 11 novembre 2020

Un homme libre

Rêve où je me retrouvais au lycée (?) et où l'on me demandait "qu'est-ce qu'un homme libre ?".
Et je me promenais, dans les citations littéraires et les peintures, dans l'émerveillement des arts et de la pensée. Hélas, je ne me souviens plus de rien ! Sauf à la fin, je redisais le poème d'Henri Michaux, "un jour, un jour peut-être..." et j'évoquais la fin de la pièce de théâtre Art, avec cette peinture blanche, peinture d'un skieur vêtu de blanc, qui s'éloigne dans un tourbillon de neige... "Voilà un homme libre", concluais-je.

*

Clown

Un jour,
Un jour, bientôt peut-être,
Un jour j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers

Avec la sorte de courage qu'il faut pour être rien et rien que rien.
Je lâcherai ce qui paraissait m'être indissolublement proche.

Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille"
Vide de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nourricier.

A coups de ridicule, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance?), par éclatement.
Par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage
Et à mes semblables, si dignes, si dignes mes semblables.

Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une immense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.

Clown, abattant dans la risée, dans l'esclaffement, dans le grotesque, le sens que toute lumière je m'étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous, ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée.

A force d'être nul
Et ras
Et risible...

Tu es vivant

Rêve dans une maison inconnue, en fin de nuit. Deux jeunes chétifs s'approchent, s'embrassent (curieusement, il ne s'agissait ni de moi, ni de personne dont je me souvienne). L'un d'eux finit par demander l'heure - six heures du matin - et par dire qu'il a bien fait d'entrer dans la maison à ce moment-là. L'autre répond justement que non. C'est l'heure où le père entre dans le salon, avec sa grande tasse de thé.
Le père ne semble guère surpris, il fait une remarque bienveillante sur le célibat qui s'achève. Ils s'embrassent de nouveau, l'un d'eux s'en excuse. Le père répond après un silence: "tu es vivant" ou plus exactement "tu es en train de vivre" ("you are living")..