dimanche 19 décembre 2010

mais vivre. (2)

Et tu osais, de nouveau, parler en termes fanfarons de la vie et de la mort. Invoquant même les mânes du grand Sartre*. Il faut tout de même faire un effort pour pouvoir justifier ta vie! "La mort n'est pas un choix honnête", certes, mais qu'y a-t-il d'honnête en toi? Postures, imposture, demi-vérités, fausse innocence... tant de retouches et de ratures que ton propre visage s'en est trouvé gommé. Tu hésites, tu ne sais pas ce que tu veux, tu ne sais plus ce que tu aimes.
Pauvre homme! Ce n'est pas en réinventant de façon partielle, biaisée, inverse même, le message des grands penseurs, que tu parviendras à te sauver. A ton crédit une seule chose: tu n'accuses aucun autre homme, ni la cité, ni le monde. Tu es de bonne foi dans tes mensonges, car tu n'as plus besoin du révélateur sartrien: il n'y a que contre toi que tu puisses te retourner, dont tu puisses te venger. Et c'est ainsi que tout finira, dans la destruction, la détestation de toi-même...

samedi 18 décembre 2010

mais vivre.

"Si je range l'impossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui." (Les Mots).
Il faut reconnaître que ce vieux crapaud avait du style! C'est d'ailleurs ce qui le sauve, car tout son livre n'est que du style, l'éclatante exhibition* d'un talent conscient de lui-même. Il sait très bien qu'il ne vaut pas n'importe qui.
Comme la plupart des hommes de son époque, son discours est désormais inaudible, fourvoyé dans les idéologies. Loin d'être l'homme libre qu'il croyait être, il n'apparaît que comme le jouet de la grande mode de "l'intellectuel", croyant remonter à Zola, à Socrate même sans doute! alors qu'il n'avait ni passé, ni avenir.
Pourtant, une fois ces réserves émises, je ne rejetterais pas en bloc l'existentialisme, qui peut survivre indépendamment des gauchismes. Ce que nous dit le message sur la mauvaise foi et la liberté, c'est que l'homme est libre à chaque instant; tout est sujet à renaissance, la pesanteur des choses n'existe pas. Tout est choix. Il n'y a pas de voie tracée (la fatalité du "tout échoit"...); et une fois les voies tracées disparues, avec elles le suicide comme unique horizon s'efface, comme par magie! Non qu'il faille contempler sa trajectoire avec bienveillance! Il faut essayer, et justifier ses essais - tandis que la mort n'est pas justifiable! La mort n'est pas un choix honnête. Il faut porter un regard cruel sur la vie, mais vivre.
Voilà, pour résumer, ce que je peux écrire en hommage au vieux sage, ce que je veux écrire en mémoire de l'adolescent d'autrefois lisant, au fond d'une couchette où pointaient, par le hublot, quelques étoiles d'été, avec stupeur et résignation le message terrible qui l'a sauvé.
[*: ai changé monstrance par exhibition qui correspond davantage à ce que je voulais dire (un exhibitionniste qui ouvre son manteau pour montrer, en l'occurrence, son stylo); par ailleurs, monstrance est un objet et non un acte. Gardons toutefois ce mot intéressant dans une synapse pas trop reculée, pour l'avenir.]

vendredi 17 décembre 2010

Jacqueline Berger

Sur la Soirée chez Frino (titre à trouver) / Il faut cesser la narration par les personnages: c'est une impasse littéraire, sauf à réécrire les Mémoires d'Hadrien. Des héros banals, il ne peut sortir que des récits banals. Cela convient sans doute pour un ou deux livres, mais non pour une œuvre plus étoffée (comme s'il y avait une œuvre étoffée!).
Le narrateur sera donc extérieur à l'histoire... mais c'est un procédé finalement un peu ennuyeux, également. De toute façon, je hais le narrateur omniscient; sa situation m'a toujours parue injuste, artificieuse. Je voudrais un narrateur engagé, en l'occurrence une narratrice qui serait un vrai écrivain, qui serait l'auteur elle-même. J'ai pensé à un nom comme "Jacqueline Berger": voilà qui permettrait de bien s'amuser.

Appel en absence

Rêve étrange où la duchesse de Bragance cherchait à m'embrasser et, suite à mon refus, s'emportait et critiquait della Rovere. Rêve prémonitoire également puisque la duchesse a essayé de m'appeler aujourd'hui: en raison du rêve, je n'ai pas décroché.

dimanche 5 décembre 2010

Orientalisme

Il est intéressant effectivement d'observer qu'une partie de notre art du XIXe siècle aspirait à l'Orient; une partie anecdotique toutefois, peu de choses hormis des croquis pittoresques ou des rêves érotiques que seul permettait le maquillage oriental, comme autrefois le prétexte mythologique. Mais, au moins, cet intérêt a existé!
L'histoire inverse aurait été intéressante à conter: les créations artistiques orientales ont sans doute été marquées par l'Occident, mais il ne me semble pas que l'Occident, jusqu'à la deuxième moitié du XXe siècle, ait paru d'un quelconque intérêt en termes de folklore séduisant pour les autres peuples. Peu leur importait, à l'époque, de regarder en face l'image sordide de leur avenir. La situation est bien sûr toute autre désormais, quand le monde entier se précipite à Paris à la recherche d'une "âme éternelle" probablement ensevelie depuis des années.
Peut-être peut-on en déduire que nous ne sommes fascinés que par ce que nous ne craignons pas, ou ne craignons plus, par ce qui n'existe plus, ou qui disparaîtra vite: le futur imprenable ne nous enchante guère, seul le passé nourrit le rêve? La contemplation des ancêtres, des ruines, des mondes révolus, ne nous évoquerait pas la mort, mais les multiples potentialités de notre propre vie.