samedi 31 janvier 2015

La peine de Raif Badawi (2)

On ne devrait pas avoir d'indignation sélective, au gré de principes fluctuants... Que penser, ainsi, des centaines de condamnations prononcées en masse en Égypte le mois dernier* (et d'autres avant)? Certes, il s'agit d'islamistes guère acquis à la démocratie et à la libre pensée, en un mot d'ennemis, mais ce régime de terreur semble plus anachronique encore que les régimes islamistes et affiliés. D'ailleurs, le régime de Moubarak, avant celui de Sissi, avait déjà apporté la preuve de sa nullité à bloquer l'islamisation de la société, de sa contre-productivité - voire, au fond, de sa complicité avec le conservatisme religieux contre la modernité laïque.
Absence de tout modèle... Désespoir qui se traduit par des afflux massifs de réfugiés (tandis qu'en sens inverse d'aveugles européens partent faire un  pseudo djihad! c'est grotesque). Seule la Tunisie semble donner quelques motifs d'espérance, précaires sans doute.

vendredi 30 janvier 2015

France périphérique?

La France périphérique*, un ouvrage dont il a été beaucoup question en décembre mais que les événements de janvier ont relégué en périphérie. Je l'avais acheté à cause de sa manchette racoleuse, "le livre que tous les politiques devraient mettre à leur chevet"; je l'ai par conséquent mis à mon chevet... Et à propos de politique, il est vrau que l'expression "France périphérique" commence à être souvent utilisée, par Nicolas Sarkozy par exemple, car comme "France d'en bas", "majorité silencieuse", elle a le mérite de réunir beaucoup de voix (qui ne se sent pas un peu "périphérique" à notre époque?).
 L'auteur, Christophe Guilluy, distingue trois catégories:
- la France des villes, intégrée à la mondialisation et prospère
- la France des banlieues, finalement rattachée à celle des villes, et profitant de leur dynamisme
- le reste, la "France périphérique", celle des petites villes, de la ruralité, ou du périurbain lointain.
Rien de très nouveau dans le bouquin: Jacques Attali, injustement critiqué par l'auteur (injustement car Attali ne s'était jamais réjoui de l'émergence de l'hypernomade!), avait déjà décrit les divisions de la société il y a plus de quinze ans! L'idée phare est de dire que les banlieues sont mieux loties que la France périphérique. Idée très schématique et qui s'est effondrée début janvier...
A l'appui de sa démonstration, quelques arguments de mauvaise foi: par exemple, rajouter l'outre-mer dans la troisième catégorie, comme si les problèmes étaient les mêmes, ou ramener les problèmes à la cohabitation raciale (il a néanmoins raison de dire qu'il y a des phénomènes d'éviction, de retrait - le problème des "majorités relatives", et la question cruciale de l'immobilier). C'est aussi oublier qu'il y a de nombreuses réussites dans tous les territoires.
Mais surtout, en faire un problème français est absurde: la même situation se présente dans les pays d'Europe occidentale, aux États-Unis. C'est le problème de l'effondrement de la classe moyenne, qu'avait bien illustré Piketty, et qui sape le consensus national. 

samedi 24 janvier 2015

La peine de Raif Badawi

Images insoutenables de ce blogueur saoudien, condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet, distribués 50 par 50, chaque semaine, en public. Je lis que la deuxième "séance" a dû  être reportée car le condamné "n'avait pas cicatrisé et menaçait déjà de succomber" (ou est-ce un moyen discret de suspendre la peine? quoiqu'il en soit, elle a été prononcée). On ne sait pas si cette barbarie d’État n'est pas plus choquante que la somme de tous les actes terroristes.
N'oublions pas, en ce qui concerne un régime soi-disant plus proche de nous, la condamnation à la prison (certes, avec sursis) du pianiste Fazil Say, pour un audacieux tweet où il professait son athéisme. La peine est moindre, mais le régime turc, car il n'a pas les mêmes contraintes de légitimité, est sans doute plus fautif que le saoudien. Au moins, l'Arabie Saoudite n'a jamais eu la prétention d'être une république, une démocratie, un candidat à l'entrée dans l'Union européenne...

*
Et pendant ce temps, la "rue musulmane" (un concept large et biaisé) s'enflamme pour une petite caricature qu'elle n'a pas vue* (et que par ailleurs je trouve très mauvaise). Quelle indignité!



*: à cet égard, honteuse réaction des médias anglo-saxons qui ont refusé de montrer l'image du journal au motif qu'elles pourraient "heurter" - mais qui? quoi? pourquoi? Qu'y avait-il de choquant dans cette image, mis à part le fait (choquant?) qu'il s'agissait d'une représentation du prophète (et en quoi serions-nous soumis aux mêmes interdits que les musulmans pieux?)? Et si nous donnons ainsi raison aux intégristes, comment pouvons nous aider en quoi que ce soit les modestes questionnements d'un Badawi ou un Say? Nous sommes aussi coupables.

vendredi 23 janvier 2015

Appels en absence

Image de la modernité. Dans la boîte de nuit incendiée, alors que les pompiers dénombrent les corps, sonnent des centaines de téléphones portables.

vendredi 16 janvier 2015

The future awaits

Je crois qu'on ne mesure pas à quel point ces stupides extrémistes, et leurs amis de par le monde, nous font perdre notre temps et nous tirent vers le bas. Ils nous font gaspiller une énergie qui serait mieux utilisée à maîtriser la modernité. Au lieu de cela, nous cherchons les moyens de nous adapter à des minorités arriérés et obscurantistes...

*

A la fin d'une journée de travail, je me suis mis à rêvasser à la lecture d'un rapport sur les nouveaux flux économiques. Je songeais au livre électronique, à la musique, à la prochaine apparition de l'imprimante 3D qui révolutionnera nos vie. A quoi serviront nos règles économiques, fiscales, commerciales, déjà obsolètes et inopérantes, lorsque tout sera devenu dématérialisé? Il n'y aura plus que des matières premières, la nourriture peut-être, et les imprimantes elles-mêmes (quoiqu'il sera possible d'imprimer des imprimantes!), qui seront échangées. Peut-être pas à la maison pour tous les produits, mais dans des petites usines de production locale, capables de traiter à la demande les plastiques, les métaux, les textiles. Tout ce qui sera physique sera très "villageois", en quelque sorte, et seuls s'échangeront outre-mer les plans, les créations, les idées... 
Et je suis resté longtemps assis dans le silence, incapable de rentrer chez moi, absorbé par cette vision fantastique d'un monde sans produit.



jeudi 15 janvier 2015

Zurichois

Cela fut déjà dit, partout, et depuis très longtemps, mais il y a un monde entre l'information et l'expérience... Sur l'essence de la bourgeoisie qui n'est pas l'argent (n'en déplaise aux marxistes), mais le silence, la préservation coûte que coûte des apparences. On croit être aimé pour ce que l'on est, fadaises! encore faut-il se conformer à des plans surgis d'on ne sait quelle nécessité, à des sortes de fantasmes irréalisables et incapables d'assurer notre bonheur.
La vie consiste à perpétuer, lors d'événements vides de sens, de vieilles recettes très légèrement adaptées au goût du jour (pour faire croire en un espace de liberté).

samedi 10 janvier 2015

Amalgames

Les bonnes âmes appelleront une fois de plus à ne pas "faire l'amalgame" entre islam et terrorisme. Les terroristes gagneraient, en effet, si des actions de "revanche" envers les musulmans se multipliaient en France. Tristement, on voit aussi une minorité qui "s'amalgame" d'elle même aux attentats: soutien sur facebook, discours sur le thème du "ils l'ont bien cherché", refus des minutes de silence, théories du complot. Le monde tu de ces kiosquiers qui refusaient de vendre Charlie hebdo, certaines banlieues, les prisons - mais pas uniquement ces milieux extrêmes... Il ne sert à rien, certes, de demander aux "musulmans modérés" de marquer ostensiblement leur désaccord*, car la majorité des "musulmans de France", si cette catégorie a le moindre sens, n'aurait jamais cautionné ce crime. Hélas, comme toujours, ce seront les voix discordantes qui seront les plus audibles.
Et nous plaçons trop d'espoir dans le recteur Boubakeur, ou les braves imams de Drancy et de Gennevilliers, en croyant qu'ils auront la moindre influence sur ceux qui se sont radicalisés ou sont en train de le faire... Comme si l'islam ne faisait que reproduire le catholicisme, avec sa hiérarchie, son pape, ses excommunications et son catéchisme (que d'ailleurs personne ne lit plus): en cela, et une fois respectées quelques prescriptions extérieures plutôt insignifiantes, l'islam sunnite me semble finalement une religion très libre, très personnelle et très souple**, dont chacun peut, à tort ou à raison, s'approprier le "nom". Mais pour un esprit ouvert, rien qui ne doive mener au djihad, à la privation des droits, au rejet de la chose publique.



*: au lieu de mots, de phrases creuses sur "l'islam religion de paix", on aimerait plutôt qu'ils "identifient, marginalisent et dénoncent" (Gilles Kepel)
 
**: tandis que les catholiques doivent absolument croire à la résurrection du Christ, à la résurrection de la chair, à la trinité, à l'Immaculée conception, autant de concepts un peu durs à avaler...

mercredi 7 janvier 2015

Jour de colère

Comment ne pas se sentir personnellement blessé? C'est un peu de notre liberté qui s'est évanoui dans le massacre de Charlie Hebdo, un peu de notre part qui voulait dire, qui voulait rire de l'absurdité de nos ennemis... Et n'y a-t-il pas meilleure réaction pour notre civilisation? J'ai déjà écrit ailleurs que notre arme la plus efficace contre le terrorisme était l'humour, pas les discours 'pédagogiques' qui ne servent à rien, ni la bien-pensance prudente. Certains ne s'y sont pas trompés, en prenant nos meilleurs esprits pour cibles.
Les conséquences seront terribles, car c'est la parole qui est atteinte (sans même évoquer les conséquences politiques): autocensure, craintes de la moindre étincelle... Il n'y aura plus rien entre le discours public, politiquement correct, vide, et le déchaînement anonyme des réseaux sociaux, des commentaires sur les pages de journaux. Nous savons lutter pour la liberté d'expression face à des institutions, face aux tyrannies les plus abjectes - mais que pouvons nous faire face à une poignée d'individus qui se font justice eux-mêmes?  Hormis parler, témoigner même sans être entendus, pleurer et rire, réfléchir, rêver.

lundi 5 janvier 2015

Sur le vote grec

Choix difficile à venir pour les grecs - avec de nouveau l'avenir de l'Europe suspendu à leur vote... Les promesses de Syriza (renégociation de la dette et maintien dans la zone euro) sont séduisantes comme des bulles de savon et promises au même éclatement. Quant à l'attitude de "l'Europe" (c'est-à-dire du contribuable européen), il est difficile de savoir à quel point la solidarité prévaudra sur le reste. Nous assistons impuissants au spectacle, mais c'est nous qui applaudirons ou sifflerons à la fin.
Il est clair que l'endettement grec est tout à fait insoutenable, et que rien ne semble pouvoir s'arranger pour les générations à venir. Le livre de Piketty rappelait comment l'Angleterre s'est épuisée à vouloir rembourser sa dette, au XIXe siècle. La solution est pourtant simple: quitter la zone euro, libeller la dette en drachme, dévaluer la drachme autant qu'il le faudra - et tant pis pour le respect des contrats et des accords! Mais c'est une solution encore plus effrayante à court-terme que "l'austérité". Qui paiera les salaires, comment assurer la nourriture, l'approvisionnement énergétique avec une monnaie sans valeur? Et comment croître de nouveau? Un pays du tiers monde se sera créé, en quelques années, auquel nous devrons continuer à donner assistance comme au pays d'Afrique le plus misérable.
L'autre solution, annulation ou réduction drastique de la dette, passera difficilement auprès des européens, mais c'est peut-être le moins coûteux à long-terme. C'est sans doute aussi " l'esprit des traités" (rien n'oblige la Grèce à quitter la zone euro, après tout). Mais il demeurera impossible pour les autres citoyens européens de considérer que les grecs sont uniquement "victimes" dans cette affaire, et ce sauvetage laissera un goût amer, insupportable.

samedi 3 janvier 2015

Soumission

Nouveau livre de Michel Houellebecq, je suis sûr que ce sera un ouvrage d'excellente facture, comme les autres,et j'ai hâte de le lire.
La plupart des commentateurs semblent avoir omis que le titre est la traduction du mot "islam", et s'indignent de la description d'un "islam modéré" où les femmes doivent se voiler et cesser toute activité professionnelle, et où chacun finit par se convertir. Je crois qu'il y ait là très peu de satire, mais au contraire une définition exacte de ce que les régimes prétendument "islamistes modérés" apporte, par une pression sociale insidieuse qui se passe de lois.