mercredi 3 février 2016

Le rêve dans le labyrinthe des causes (2)



Interprétation, ou "leçon", du rêve. J'ai mis fin à ces brèves depuis un an. J'ai même accusé l'écriture de tous mes problèmes, d'avoir contribué à la construction de fantasmes qui m'ont empêché de "vivre réellement" (est ce que cette expression a le moindre sens? est ce que nous nous vivons jamais réellement? je passe cette question), enfermé dans un sommeil vide, dans un palais merveilleux patiemment bâti par mes mensonges et par les autres - oui ! -  dans l'attente toujours renouvelée d'un événement (à défaut de prince charmant!) qui viendrait me réveiller, secouer ces pierres précaires... J'ai vu s'effondrer d'un coup toutes mes ambitions.

J'ai vu le désintérêt pour le GRMF, j'ai compris qu'il faudrait me contenter de projets plus modestes, intimes, qui ne résonneront jamais ailleurs qu'ici. Qu'avais-je à proclamer de toute façon? Mais j'avais construit ma vie autour de ce projet (j'avais même oublié à quel point cela était vrai: même mon pssage à Strasbourg était motivé par la rédaction du deuxième tome de Moreiro, la nécessité d'avoir un moment de calme avant d'entrer pour de bon dans la vie professionnelle en cas d'échec du livre - c'est tellement extravagant a posteriori que je ne m'en souvenais plus, jusqu'à ce que je redécouvre un ancien journal, quelques lignes que j'avais griffonnées à l'époque (heureusement que ma vie est bien documentée, sinon je réinventerais sans cesse une nouvelle biographie complaisante, en fonction des priorités du moment)).

Plus grave, j'ai perdu ce qui faisait la beauté de vivre avec Della Rovere, cette vie quotidienne, merveilleuse, dont je n'ai pas profité suffisamment, donc je n'ai pas mesuré le caractère fugace, la chance exceptionnelle qui m'était offerte. Qu'aurais-je dû faire? Je m’accroche encore à ce rêve, même s'il ne reviendra plus, je crois qu'il sera encore possible, je mets en place les conditions de son retour - mais ce ne sera jamais que de façon temporaire. A moins de sacrifier bien d'autres choses, nous ne vivrons plus vraiment ensemble avant la vieillesse - si nous ne sommes pas morts d'ici là demain.

Je ne vois pas de solutions qui ne soient pas des renoncements si frustrants qu'ils mèneraient à la rupture - fausses bonnes solutions. Mais peut-être quelque chose de bien se glisse parmi le hasard des événements. Je n'en suis plus réduit qu'au silence, à l'observation (à la manière d'une vache regardant passer les trains).

Même impasse dans la vie professionnelle où j'ai perdu toute estime de moi et où je régresse (curieusement, à l'image de mon organisation)... Là-dessus, je ne vais pas m'attarder...

Enfin, et plus grave encore, l'état du monde me laisse sans voix, sans plus aucune certitude (en avais-je?), de Lesbos à Cologne, de Paris et de Mossoul, de l'Iowa, de la bourse de Shangaï, de Bruxelles... J'ai préféré me taire, et me réveiller quand les choses iraient mieux. Je n'envie pas ceux qui ont en charge le destin du monde, ni ceux qui naîtront cette année. Je ne vois que la mort et l'écroulement de tout.