vendredi 27 janvier 2017

Sur Venise

Fascinant livre d'un historien oublié, sur la fidélité de la ville à ses origines (une "polis" antique qui a traversé les siècles), au moment où l'Europe inventait de nouvelles formes sociales et territoriales, la féodalité autour du château et loin de la ville, le nomadisme "barbare" qu'ont préservé les rois jusqu'au 18e siècle (et même au delà, j'y reviendrai). Ainsi, la fidélité à la forme byzantine n'est pas qu'une vague influence liée au commerce, mais l'affirmation d'un lien avec l'Empire romain (d'Orient, celui qui avait survécu), et, dans l'architecture, une volonté de se démarquer d'influences pourtant proches géographiquement.
Ainsi la basilique Saint-Marc est-elle avant tout un pastiche byzantin, une oeuvre volontairement archaisante (on ne faisait déjà plus cela à Constantinople), orientalisante et non authentiquement vénitien (d'ailleurs ce style n'a été repris nulle part dans la ville).
Autre fait singulier, Venise n'a jamais été entourée de murailles (la lagune suffit) et même les palais ne sont pas les grandes forteresses florentines austères et déplaisantes, mais de vastes entrepôts faisant étalage de la richesse de leurs propriétaires, des palais ouverts à la lumière. La ville de la fête, du cérémonial civil, comme devait l'être Athènes.
Puis l'auteur se perd en descriptions de mosaïques, de fresques, d'où submerge finalement l'impression d'un voyage des artistes "byzantins" et d'une évolution de leur style là où nous ne voyons qu'un art figé. Mais les fresques de la Kariye Cami sont plus proches de Giotto que des mosaïques de Ravenne, l'Empire byzantin anticipait peut-être la renaissance, comme l'Italie. Puis l'art s'est figé dans la nostalgie et la tradition, et n'a plus rien apporté au monde qu'une influence lointaine, presque magique, comme l'art égyptien, mésopotamien...