Mort de Tzvetan Todorov. Il faudra que je relise Mémoire du mal, tentation du bien qui semble dire ce que j'ai toujours pensé des institutions européennes, une tentation dangereuse à se présenter comme les uniques dépositrices du bien contre le mal, là où tout ce qu'elles font n'est jamais qu'arbitre entre différentes options, certaines totalement valables mais non suivies, balayées rapidement comme idiotes ou amorales - non "vertueuses" en quelque sorte par rapport à une "vertu" créée de toute pièce pour se regarder agréablement dans le miroir.
C'était le coeur de ce que je voulais écrire dans mon "bouquin sur l'Europe". Mais, depuis, beaucoup de choses ont changé et ce projet est à revoir La crise de l'Euro, et plus encore la crise des réfugiés, ont suscité des remises en cause si bouleversantes que les institutions en ont perdu leur narratif: voulons nous l'austérité au risque de plonger des pays dans des crises profondes? voulons nous être généreux et accueillir les migrants, ce qui ferait notre honneur, ou souhaitons-nous préserver des équilibres démographiques ? En quelques mois, les mêmes ont été forcés de tenir des discours et de mener des actions totalement contradictoires... Heureusement, les institutions sont capables de flexibilité et d'amnésie. Appelons cela realpolitik ou cynisme, c'est ce qui leur permet de survivre encore un peu. La tentation du bien était une imposture mortifère, pratique à claironner mais impossible à assumer pour des institutions basées sur le compromis.
"Vouloir éradiquer l'injustice de la surface de la Terre ou même seulement les violations des droits de l'homme, instaurer un nouvel ordre mondial dont seraient bannies les guerres et les violences, est un projet qui rejoint les utopies totalitaires dans leur tentative pour rendre l'humanité meilleure et établir le paradis sur Terre." (Tzvetan Todorov)