lundi 27 mars 2017

Le Triptyque de la trahison

Dans une cathédrale sombre, je repense à cette découverte l'été dernier, par un jour pluvieux, quand les vêtements trempés, chaussures de toiles transformées en éponges, j'avais réveillé le gardien de sa sieste pour me faire ouvrir la chapelle où sommeille depuis cinq siècle le "Triptyque du maître de Moulins". Quel choc !

Cette couleur exubérante jamais restaurée, ces personnages sagement admiratifs, certains d'offrir à l'éternité l'image de leur piété présente. Une part de cet émerveillement ne vient pas de l’œuvre elle-même, mais du fait qu'elle n'a jamais quitté l'endroit pour lequel elle avait été destinée. Comme les fresques du Palais Médicis, comme l'Enterrement du Comte d'Orgaz, le retable d'Issenheim ou le Polyptyque de l'agneau mystique. Ces œuvres ont évité le dessèchement et la perte de sens d'un musée, elles se présentent à nous dans leur intention première, une intention qui dépasse la beauté artistique mais vise au message politique ou au salut.
Plus émouvant encore, d'apprendre que ce triptyque a simplement été fermé, puis oublié dans un bas côté, lorsque le fils de son commanditaire à trahi le roi de France et perdu son duché. Objet d'une dévotion permanente, la peinture aurait-elle traversé les guerres de religion, la révolution? Se souviendrait-on encore du Connétable de Bourbon pour autre chose qu'une fonction prestigieuse à l'époque, mais nullement unique dans la longue histoire de France ? Certainement pas, et ce n'est pas sans sourire que l'on songe que le père ne doit la perpétuation de son souvenir qu'à la trahison du fils!