lundi 7 juin 2021

On a mis les mains sur tes hanches (2)

Dans la chanson citée précédemment, on retrouve un procédé poétique intéressante avec ces rimes approximatives "granges/hanches". Il y en a d'autres exemples chez Brassens.

Gainsbourg a mené le concept plus loin, dans "L'anamour" par exemple, où la rime atteint un niveau si raffiné qu'on ne sait plus quel mot rime avec lequel ("transit" avec "exit"? ou avec "transat"? "pâli" plus avec "pas là" qu'avec "Asie"):

    "Aucun Boeing sur mon transit
    Aucun bateau sur mon transat
    Je cherche en vain la porte exacte
    Je cherche en vain le mot exit"

    "Tu sais ces photos de l'Asie
    Que j'ai prises à 200 Asa
    Maintenant que tu n'es pas là
    Leurs couleurs vives ont pâli"

Par ce procédé, Gainsbourg a réussi à se débarasser de plusieurs siècle de règles codifiées, à remplcaer la rime par l'assonance (qui est la seule qui compte), une révolution que (je crois) la langue anglaise avait effectuée depuis longtemps*. Malheureusement, cette révolution est venue trop tard, à un moment où la poésie française commençait à s'éteindre. Le champ des possibles est resté inexploré, ouvert néanmoins pour les générations futures qui voudront s'y aventurer.

(*: cf. Yeats, précédemment cité:
    "And therefore I have sailed the sea, and come
    To the holy city of Byzantium")