jeudi 29 avril 2010

Comment je me suis disputé...

Guère étonnant d'avoir rêvé cette nuit que tout était fini avec Della Rovere. Que dire de plus? Parmi les mille bonnes raisons pour être ensemble, ne fait certainement pas partie celle de reproduire le schéma cauchemardesque des disputes parentales... Où mettre la limite de ce qui est "décompression", de ce qui demeure tolérable, et de ce qui ne l'est plus? Suis-je moi-même clair dans cette affaire?
A cet égard, souvenons-nous des épisodes violents avec Irène Adler... on peut dire que je me suis considérablement assagi ces dernières années, probablement parce que je suis moins menacé dans ma vie extérieure, moins hargneux. Ou parce que je suis "entré dans l'âge adulte"? Difficile à croire...
Je suis étonné par sa capacité à tourner la page comme si de rien n'était, par mon incapacité à gérer ou à m'expliquer clairement sur le sujet... Mais à quoi cela servirait? Mieux vaut laisser passer, comme elle le fait. J'y attache une trop grande importance, sans doute. Deux mois après que nous nous étions rencontrés, j'avais déjà pensé tout finir suite à une semblable dispute (probablement une fois de plus sur un sujet insignifiant...).
*
Egaré dans d'autres pensées connexes, alors que j'écrivais ce message, je me souviens soudain du poème "Minor Swing" que Paul Toussaint avait écrit dans Jazz, Amer.. C'était à mes yeux un poème d'amour, où il est question de deux êtres incapables de vivre ensemble, mais qui finiront toujours par se retrouver (l'image des vagues qui traversent l'océan pour finir par se re-rencontrer a été volée à Jules Supervielle). Et quand je le lisais, c'était ma conception de ce qui allait se passer avec Irène Adler, c'est ce qui s'est effectivement passé, et, même, c'est parfois ce que j'ai poétiquement en tête, quand je repense à toute cette affaire adlérienne, comme quelquechose qui pourrait potentiellement arriver. Ce serait une vraie catastrophe, probablement.
Par ailleurs je pense que, même si le ton est celui d'un vieux grincheux "qui s'est fait larguer et bien fait pour lui" (style Bill Coleman), Jazz, Amer. est ce que Paul Toussaint a écrit de meilleur, de plus authentique. Mais je ne me battrais pas pour revivre une aussi déplorable authenticité avec Della Rovere: la poursuite de notre histoire m'importe.

dimanche 18 avril 2010

Un livre sérieux... (2)

Dans ces conditions, comment et à quoi bon écrire, si c'est pour n'être qu'un écrivain du dimanche (et encore, uniquement, de certains dimanches)... Il faudrait pouvoir ne faire que cela, y consacrer sa vie. C'est d'ailleurs, souvenons-nous, la raison pour laquelle mes pas m'ont attiré dans cette ville, initialement, et dans ce genre de professions...
Ceci dit, j'ai toujours porté ce doute en moi, et même lorsque, vers l'âge de quinze ans, je produisais deux poèmes par jour et dix projets à la semaine, je me plaignais déjà de ne pas y passer assez de temps: il faudrait compiler l'ensemble de ces textes sur ce thème depuis les origines.
De plus, je crée moi-même un malentendu sur ce que je dois écrire, si je commence à réfléchir à des livres sérieux, publiables (?) et visibles par tous, notamment par mes proches. En réalité, mon objectif initial n'était pas de construire une grande œuvre abondante et éternelle, mais de composer le bon poème que l'on pourrait découvrir au jour de ma mort - cette mort qui était à mes yeux imminente, tant la perspective du suicide était évidente... Il ne manquait plus que cela pour mourir dignement, quelques mots suffisamment beaux et explicatifs. Et quand je notais quelque part que la poésie m'avait "sauvé la vie", ce n'était pour une fois pas une exagération poétique! Portant, si on pousse ce raisonnement jusqu'à son terme, ce serait, davantage que l'écriture, le fait de ne pas avoir écrit ce fameux poème qui m'a maintenu en vie, qui m'a relancé, jour après jour, vers l'avenir ("vers la vie"). Je devrais donc être reconnaissant à mon incapacité et à mon doute (si tant est que je puisse me féliciter d'être encore en vie aujourd'hui).
Il n'a jamais été question d'édition, d'écriture au grand jour, en un mot d'être un artiste - et je fus bien naïf de croire, à certains moment, qu'il eût pu en être autrement! En réalité tout depuis le départ devait être secret, écrit aux heures tardives, dissimulé dans des dossiers cryptés. Rien ne devait être connu de moi - et surtout pas ce blog, mieux caché dans l'anonymat de la Toile qu'en n'importe quel tiroir de la vraie vie!

Un livre sérieux...

Une interrogation, de nouveau. J'ai toujours considéré que l'écriture était ma vraie raison d'être, et, à ce titre, je vis le fait ne pas (ne plus) écrire dans la culpabilité et le regret. Pourtant, dès que je tente de m'y mettre, une chose ou l'autre m'arrête, depuis les conditions pratiques ("où? quand?") que le contenu de ce qui doit être écrit. Par exemple, je réunis quelques éléments pour un "autoportrait du peintre flamand" (il faudra que je revienne dessus), puis je me rends compte que je n'ai en tête qu'une collection de petites scènes décousues. Ce serait déjà bien, évidemment, d'écrire ces petites scènes, mais où cela mènerait-il? J'aimerais pourtant que ce projet fonctionne. Mon intention est enfin d'écrire un livre sérieux, c'est-à-dire un livre qui ne soit pas une histoire à clés sur ma vie actuelle, comme Sherlock Holmes, comme la Nuit de Georges, mais l'histoire de quelqu'un d'autre. A cet égard, le titre "autoportrait" serait volontairement déroutant, car pour une fois je ne veux pas faire un "autoportrait en peintre flamand". On peut certes arguer que Moreiro n'est pas une autobiographie masquée... Cependant, c'est aussi une histoire à clés, d'une certaine façon, même si les clés ne me concernent pas directement (c'est d'ailleurs ce lien entre l'histoire de Moreiro et la vraie histoire qui ont provoqué le blocage actuel, duquel j'essaie de sortir en détournant totalement le déroulement du livre... et dont je ne me sortirai qu'en ayant, également, enfin trouvé un nom satisfaisant au frère de Moreiro!). L'univers de Moreiro est aussi un univers faux, inventé, inversé d'une certaine façon (d'où le rappel du soleil qui se lève à l'ouest): il est autrement difficile de décrire un vrai monde. Bien sûr, l'écrivain garde une certaine "licence poétique", mais je conçois l'écrivain sérieux comme un Zola, un Flaubert, ou, plus près de nous, un Jonathan Littell (dont je n'ai pas lu le livre), amassant les notes et les recherches pour accentuer le réalisme de ce qu'il écrit, et pour qui l'intrigue compte, certes, mais demeure le support de quelque chose plus vaste, la description de la vie, l'inscription éternelle d'une vérité fugitive...
C'est ce qu'ont également réussi, dans leurs domaines respectifs, les grands peintres, les musiciens, les cinéastes. Personne n'oublie bien sûr la main qui a créé ces œuvres: mais la main perd de l'importance avec du recul, car, en cela comme en bien d'autres choses, "la nature imite l'art", et la vision - même faussée - de l'artiste prend valeur de vérité, avec le temps: le souvenir des époques anciennes n'appartient pas aux historiens, ni aux archéologues, quoiqu'ils en pensent. Les poteries ébréchées déterrées du sol grec peuvent bien parler, elles ne diront jamais autant que l'émotion suscitée chez un adolescent, il y a déjà quinze ans de cela, par l'éblouissant Oedipe-Roi de Sophocle - qui se souciera de vérité, dans de tels instants miraculeux!

lundi 12 avril 2010

La croix et le croissant (livre)

Excellent livre sur les relations entre islam et chrétienté au moyen-âge*. Livre dévoré dans les transports comme aux terrasses de café durant ce week-end plutôt ensoleillé, illuminé par cette lecture. Tant de choses découvertes! Mais on voudrait en savoir plus!
Par exemple, l'auteur, Richard Fletcher, nous décrit le réveil commercial de l'Occident, par le biais des cités marchandes (Amalfi, Pise, puis, Gênes, Venise, mais aussi Marseille et Barcelone), qui évincèrent progressivement les flottes musulmanes et byzantines... Grâce à des archives miraculeusement conservées, il est possible de connaître quels étaient les achats effectués sur les marchés étrangers: mais s'il ne s'était agi que d'achats, l'Occident se serait appauvri dans ce commerce (or, ce n'est pas ce que semble dire l'auteur): quelles marchandises vendaient-ils, en échange? Des grosses laines des Flandres (à qui pouvaient-elles bien servir, au Caire ou à Bagdad?)?
Pour d'autres anecdotes, citons en passant, l'étymologie commune de "douane" et de "divan", ou la falsification opérée sur le personnage du Cid, mercenaire à la solde aussi bien des rois chrétiens que musulmans. Et bien d'autres sujets!
Il faudrait pouvoir y revenir plus tard, tout cela est passionnant.

* référence du livre:

Une fausse Istanbul

Un rêve étrange où je me trouvais avec un groupe de quatre personnes dans Istanbul, mais encore une fausse et différente Istanbul. La Corne d'or n'existait plus, et le Bosphore n'était qu'un modeste fleuve, traversé par un petit pont. Sur la rive "européenne", au bord de la mer, les monuments habituels, mais en plus petit, et sur la rive asiatique, des immeubles anciens, puis, dans le lointain, une haute colline avec une forteresse poussiéreuse. Et je me souviens très bien qu'il était question d'abord de se rendre à cette forteresse, puis que quelqu'un disait que nous y étions déjà allés: car, dans un plus ancien rêve (fait il y a quelques mois - ou est-ce un rêve dans le rêve?), j'ai déjà vu la ville sous cette configuration: un Bosphore très étroit, avec, plus vers le nord, un télésiège qui en remonte les pentes, où se trouvait, à l'époque de ce rêve antérieur, notre hôtel - dans un style de gite de montagne -, et, de l'autre côté un village de vacances, dans la forêt. Il y a aussi un appartement, celui de Yücel, qui se trouverait dans la vraie ville au niveau du grand bazar: mais dans mon rêve, il me semble que le grand bazar n'existe pas.
Dans le nouveau rêve, je me trouvais d'abord dans une relation semblable à celles de ma sœur, et, comme dans le rêve de Vadi Bey, nous renouvelions les vaines tentatives d'Ixion... Cela avait lieu dans un marché fait de petites échoppes en toile, étriqué comme un marché de noël estival. Auparavant il avait été question de restaurant également, mais je ne me souviens plus. Puis je me retrouvais avec Della Rovere, et nous descendions vers le faux Bosphore dans l'idée d'aller visiter Dolmabahçe, que finalement (réveil?) nous ne visitions pas.
On pourrait ajouter un jour ce rêve, mais de façon ironique, au projet de "Romance d'Istanbul" qui traîne depuis bien longtemps sur un petit papier, au fond d'un tiroir... Pour l'instant en tout cas, combiné aux interrogations du quotidien, il me plonge dans un marasme vide et intense...

mardi 6 avril 2010

Lieux rêvés (4)

Un lieu supplémentaire, qui curieusement n'apparaît pas en rêve, mais éveillé, quand j'entends certains morceaux de musique classique (Mozart, Schubert). Il s'agit d'un de ces villages terribles et austères, aux vastes maisons en pierre apparente, isolés dans les rochers, près de bois de sapin montagnards, une étrange Suisse posée au sommet du Péloponnèse.
Pourquoi la vue de ce village surgit-elle quand j'entends cette musique? L'écoutions-nous quand nous montions la route vers le village? Ou y a-t-il un lien secret entre une certaine harmonie et le fait que ce village a probablement brûlé l'an dernier, dans les feux de forêts qui ont fait rage en Grèce?
C'est un peu ridicule... mais j'en viens à penser à toutes sortes de liens spirituels (ce qui n'arrive presque jamais, nonobstant ma croyance récente en la vie éternelle), à des correspondances à l’œuvre dans le monde, qui nous lieraient aux hommes et aux lieux. J'ai même, après avoir envisagé de séparer ce blog entre les entrées sur les rêves ("lieux rêvés", etc) et les autres, renoncé à un tel projet: car il semble que, tout compte fait, mes rêves ont été de fidèles miroirs du monde réel, de la marche du monde, et de moi-même, bien plus authentiques que les fantaisistes positions que je professe comme vérités indétrônables!

Verdict

Ai mené l'enquête suite au rêve mentionné antérieurement, ai jugé l'affaire rapidement: non-lieu. Quant au gibier de potence, ce ne fut qu'une apparition fugitive et infondée.