dimanche 18 avril 2010

Un livre sérieux...

Une interrogation, de nouveau. J'ai toujours considéré que l'écriture était ma vraie raison d'être, et, à ce titre, je vis le fait ne pas (ne plus) écrire dans la culpabilité et le regret. Pourtant, dès que je tente de m'y mettre, une chose ou l'autre m'arrête, depuis les conditions pratiques ("où? quand?") que le contenu de ce qui doit être écrit. Par exemple, je réunis quelques éléments pour un "autoportrait du peintre flamand" (il faudra que je revienne dessus), puis je me rends compte que je n'ai en tête qu'une collection de petites scènes décousues. Ce serait déjà bien, évidemment, d'écrire ces petites scènes, mais où cela mènerait-il? J'aimerais pourtant que ce projet fonctionne. Mon intention est enfin d'écrire un livre sérieux, c'est-à-dire un livre qui ne soit pas une histoire à clés sur ma vie actuelle, comme Sherlock Holmes, comme la Nuit de Georges, mais l'histoire de quelqu'un d'autre. A cet égard, le titre "autoportrait" serait volontairement déroutant, car pour une fois je ne veux pas faire un "autoportrait en peintre flamand". On peut certes arguer que Moreiro n'est pas une autobiographie masquée... Cependant, c'est aussi une histoire à clés, d'une certaine façon, même si les clés ne me concernent pas directement (c'est d'ailleurs ce lien entre l'histoire de Moreiro et la vraie histoire qui ont provoqué le blocage actuel, duquel j'essaie de sortir en détournant totalement le déroulement du livre... et dont je ne me sortirai qu'en ayant, également, enfin trouvé un nom satisfaisant au frère de Moreiro!). L'univers de Moreiro est aussi un univers faux, inventé, inversé d'une certaine façon (d'où le rappel du soleil qui se lève à l'ouest): il est autrement difficile de décrire un vrai monde. Bien sûr, l'écrivain garde une certaine "licence poétique", mais je conçois l'écrivain sérieux comme un Zola, un Flaubert, ou, plus près de nous, un Jonathan Littell (dont je n'ai pas lu le livre), amassant les notes et les recherches pour accentuer le réalisme de ce qu'il écrit, et pour qui l'intrigue compte, certes, mais demeure le support de quelque chose plus vaste, la description de la vie, l'inscription éternelle d'une vérité fugitive...
C'est ce qu'ont également réussi, dans leurs domaines respectifs, les grands peintres, les musiciens, les cinéastes. Personne n'oublie bien sûr la main qui a créé ces œuvres: mais la main perd de l'importance avec du recul, car, en cela comme en bien d'autres choses, "la nature imite l'art", et la vision - même faussée - de l'artiste prend valeur de vérité, avec le temps: le souvenir des époques anciennes n'appartient pas aux historiens, ni aux archéologues, quoiqu'ils en pensent. Les poteries ébréchées déterrées du sol grec peuvent bien parler, elles ne diront jamais autant que l'émotion suscitée chez un adolescent, il y a déjà quinze ans de cela, par l'éblouissant Oedipe-Roi de Sophocle - qui se souciera de vérité, dans de tels instants miraculeux!