lundi 31 janvier 2011

Une coquille vide, une place libre (1)

J'ai brièvement rêvé d'un de mes camarades d'école primaire, imaginant qu'il faisait partie de "ces gens qui ne changent jamais", toujours cette tête de renard aux dents blanches, ces cheveux en brosse. Ce n'était à vrai dire même pas un ami: il ne faisait pas partie de notre "bande". Je ne comprends pas comment j'ai pu repenser à lui après autant d'années.
Je suis allé voir sur Google si le visage avait changé. Manifestement il vit désormais au Canada, où il observe la végétation, fait des recherches dans la nature... Toujours le même air sain et souriant, le visage de renard sympathique dont j'avais gardé l'image. Par quels chemins détournés a-t-il fini par s'occuper des arbres québécois? A l'époque, je ne l'imaginais que jouer au ballon perpétuellement. L'éternité de l'enfance, l'inconscience de la fuite du temps, qui m'avaient rendu cette période si ennuyeuse, si longue. Puis tout s'est déréglé.
Et j'ai toujours le sentiment de cette action vaine, malgré le temps qui passe, de cet enfermement dans les secrets et les univers personnels, indifférents aux déprédations extérieures. Mais lui connaît tous les arbres de la forêt, arpente les montagnes, les bords des rivières, à la recherche d'indices pour améliorer le sort des hommes. Le moindre lichen et la moindre épine lui racontent leur histoire, leur avenir; un monde empli de messages intelligibles, vrais, tandis que je regarde le monde et la nature comme une coquille vide, une place libre, à peine suffisante pour abriter mes rêves.
Il n'y avait nul besoin d'être savant, même en ces temps anciens, pour deviner lequel de nous deux allait avoir droit au bonheur!