dimanche 28 août 2011

Il louera sa vigne à d'autres cultivateurs

Dans la même veine que mes considérations sur mon mode "hébraïque" d'écriture, on pourrait faire une distinction entre l'approche hébraïque et l'approche chrétienne radicalement nouvelle introduite dans les Évangiles. Par exemple, dans la parabole de la vigne, où le maître de la vigne revient punir les vignerons qui ont refusé de lui envoyer les fruits et tué son fils: "Il fera périr misérablement ces méchants, et louera sa vigne à d'autres cultivateurs qui lui remettront les fruits en leur saison". Depuis lors, Dieu ne chercherait plus à perfectionner un peuple, mais à reconstruire à chaque fois, ailleurs: "La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle". Dur message, bien loin de l'alliance promise à Moïse.
En somme, pour revenir au mode d'écriture, on aurait d'un côté le lent murissement d'un projet, d'un ouvrage cent fois remis sur le métier, comparé à la dispersion dans cent esquisses rejetées à chaque échec (qu'on prenne, comme exemple, l'éternel recommencement des ordres religieux, de la sainteté à l'inévitable débauche).
Et on aurait tort de considérer la confrontation entre la Synagogue et l'Église comme la lutte entre deux entités équivalentes. Synagogue et Église ne sont simplement pas sur le même plan, pas dans la même dimension ou de la même espèce. L'une se construit patiemment, y compris sur ses propres ruines, autour d'un même peuple,  l'autre réinvente ses objectifs dans des projets nouveaux. Ou, pour le dire poétiquement, l'une grandit par bouturage, l'autre par gramination ou pollinisation, dans des lieux inattendus, au gré du vent ou d'improbables abeilles.
Pourtant, l'Église catholique garde encore un réflexe "hébraïque", à vouloir préserver son unité en dépit du bon sens. La meilleure illustration de ce caractère "chrétien" évoqué ci-dessus serait davantage la multiplication infinie et absurde des sectes protestantes: pour chacune, il aurait été inenvisageable d'accomplir une réforme (comme le judaïsme s'est "réformé" après la destruction du Temple), il faut fonder une nouvelle Église, prétendument différente et meilleure que toutes les autres, plus pure...

mercredi 24 août 2011

Des hommes de trente ans

Si je déteste cette connaissance (appelons-le "néocons"), c'est un peu pour les mêmes raisons que pour EM (Best) déjà évoquées autrefois - mais au moins ce dernier avait une joie de vivre qui me faisait envie, alors que le néocons exhibe de prétendus problèmes psychiques, des déprimes passagères, des revirements... et les a imposées à des amies pourtant séduites. Encore un qui rejoint cette vaste cohorte des hommes de trente ans qui s'inventent des drames personnels pour donner une profondeur à leur personnage insignifiant, et qui en font abondamment profiter et souffrir tous les autres - alors même que, par sa beauté, son intelligence, il devrait participer à la célébration de la vie!

On pourrait aussi y voir le pendant à cette "obligation de bonheur" qui nous est imposée par le monde contemporain: la nécessité de disposer de quelques blessures secrètes, et de pouvoir s'en parer le moment venu (de même qu'un jeune poète croit qu'il n'y a de beauté possible que dans la tristesse). Des fêlures que, finalement, nous chérissons davantage que nos plus éclatants succès car, pensons-nous, elles nous ont bâtis, elles nous ont soi-disant rendus plus forts au lieu de nous détruire (absurdité).

Si je voulais être magnanime, je pourrais y entrevoir le drame de cette génération d'hommes transformés en objets (sexuels), en force de travail brute pour le compte des plus jeunes et (surtout) des plus âgés, à qui l'on demande, après des études ingrates et des stages misérablement payés, de produire de la valeur et des enfants, tout en épargnant et investissant (avec quel argent?) pour un future morose, et qui résident dans des logements étroits indignes de leurs forces vitales... peut-être...

Mais aussi, à titre personnel, on pourrait me reprocher de ne pas accorder de crédit aux pseudo-souffrances de ce "jeune Werther". Quel aveuglément, quel engluement dans mes propres contradictions! C'est comme si je ne pouvais concevoir que ce genre d'individu puisse "prétendre au malheur", ou qu'il faille a minima qu'un requin l'eût dévoré, ou qu'un kadhafiste l'eût torturé (éventuels accidents récents), pour que je lui concède quelques problèmes personnels! Et voilà une possible vérité: sauf cas extrêmes, nous n'aimons pas notre prochain, ou en tout cas nous nous fichons d'éprouver la moindre empathie pour lui: nous n'avons que du mépris pour ses difficultés aisément surmontables, forcément inférieures aux nôtres!