Ces lettres au papier jauni où nous nous échangions nos secrets, parfois sur le verso raturé de copies d'examen (quel âge pré-historique!), ont dû vieillir avec nous. Et si leur destinataire s'avisait de les ressusciter (dans l'hypothèse déjà hasardeuse qu'elle les a conservées, et que leur papier n'a pas été recyclé des dizaines de fois), il nous serait facile de les écarter de nous, en prétendant qu'elles ne représentent qu'un état passager, disparu de notre personne - les mots d'un autre - tandis que nos mots d'aujourd'hui s'écrivent sur des pages nouvelles. Nous aurions raison de penser ainsi.
Mais nos messages électroniques, conservés inchangés depuis leur rédaction, capturés dans l'éternité immatérielle de la toile, à la merci de la moindre recherche textuelle, me paraissent au contraire présents, ou nés d'hier, sans distance. Seules peut-être quelques expressions passées de mode trahissent l'ancienneté de ces messages. Ou bien le sujet de l'échange (nos choix musicaux, la découverte d'Amy Winehouse par exemple, ou l'organisation désormais impensable d'un voyage en Syrie, au Yemen).