Week-end de retrouvailles dont je garde une impression mitigée... Tous ces amis sont devenus des parents, ou vont bientôt le devenir, tellement gentils, aimants (surtout les pères! cela m'incite à penser que la génération de nos pères a vraiment vécu un âge d'or: facilité de trouver un emploi, de s'acheter un logement, sans beaucoup d'implication exigée à la maison - c'était vraiment un autre univers). Ils ne voient plus les choses de la même façon; par exemple, leur temps de concentration est désormais limité, et tout autre sujet que mariage, enfant, ou à la limite changement majeur de travail, ne mérite plus leur attention. On croit revenir comme le fils prodigue, mais personne ne s'en réjouit vraiment; comme un super-héros, mais le héros
Il y avait pourtant beaucoup à retenir. Par exemple, les répétitifs exemples de la "frugalité" dans l'entreprise (entendre, "austérité") et les réactions étonnées, envieuses, lorsqu'un ami travaillant pour un fournisseur automobile (!?) assurait qu'on "se gavait" dans son entreprise (entendre, bureaux décents, véhicules de fonctions, frais divers et variés, tout ce que la génération antérieure pouvait raisonnablement espérer obtenir).
Dans le même ordre d'idée, cet indien qui est retourné à Delhi après dix ans en Allemagne et à Londres, trouvant insupportable le discours de crise et de déclin dont il était environné: gardons en mémoire son franc éclat de rire quand je lui ai appris que le Royaume-Uni envisageait de quitter l'Union européenne (sans doute entrait dans sa réaction un peu de mépris post-colonial - mais il faut reconnaître que, vue d'Inde, l’Angleterre est sans doute bien peu de choses).
Enfin, et plus gravement, les remarques anti-européennes servies gratuitement et avec conviction, sur les salaires de tel ou tel (écho des récents problèmes français sur la transparence?), sur quelques affaires récentes (avec légitimité et pertinence, parfois - mais le plus souvent lié à des préoccupations corporatistes), sur l'effondrement prochain de l'euro (une annonce que le même ami (banquier) me fait depuis huit ans systématiquement! je ne suis plus guère impressionné - mais il ne faut pas s'étonner des troubles qu'a connu la monnaie unique si l'esprit qui domine dans les milieux bancaires est aussi borné). Ce n'est pas forcément l'idée d'Europe qui est en cause (même si les succès passent totalement inaperçus), plutôt la façon de faire l'Europe, à laquelle se mêlent les considérations déclinistes et anti-politiques que l'on entend maintenant partout. Pourquoi pensais-je que les choses auraient dû être différentes, venant de ces amis? Dans la voiture, au retour, je commençais à envisager une vie différente, un monde dans lequel l'Union européenne n'existerait plus. Ce serait l'occasion de quitter le navire, sans doute, trahissant mes éphémères velléités d'engagement politique, et je m'apprêtais à dire à Della Rovere de préparer ses cartons (pour refaire notre vie là? là? ou là?).