D'ailleurs, ce serait intéressant d'écrire un livre sur "les croisades après les croisades": un roman peut-être, qui commencerait à la chute de Saint-Jean d'Acre, se poursuivrait à Chypre et en Europe, avec en toile de fond les péripéties du règne de Pierre Ier (dont je viens de découvrir l'existence grâce à René Grousset*). Cela montrerait un aspect méconnu du Moyen-Âge, une humanité bien plus raisonnable que ce que l'on imagine habituellement.
Kurz und Schnell zu lesen - Prologue - Le Monde - La Cité - L'Homme - Les Mots - Les Rêves - Epilogue
vendredi 28 septembre 2012
Madonna dell'Orto
Il avait admis la sanction. Sans révolte, il avait descendu le chemin, s'était penché au bord du précipice, conscient de sa faute, quand d'autres hurlaient, s'acharnaient encore à espérer une place parmi les justes, et que très haut, dans une orbe trop lointaine, à peine visible, Dieu avait pris la peine de le condamner*. Il n'y avait plus rien à dire.
Mais alors qu'il s'apprête à quitter l'image, une main déjà au dessus du vide, il se sent soudain enveloppé, agrippé. Plongeant depuis les sinueuses hauteurs, un ange a traversé les foules et les nuages. Il lui glisse un mot, le retient fermement, l'emmènera bientôt. L'homme hésite entre surprise confuse et violente sérénité: à quel instant oublié, à quelle prière amie, à quel bref remord, doit-il une si spectaculaire rédemption? N'avait-t-il pas toujours agi en connaissance de cause, dans la conscience d'une chute volontaire?
lundi 24 septembre 2012
Taille critique
Je rajoute quelques libellés supplémentaires aux différents messages, pour permettre de retrouver plus facilement un thème, une référence: ce blog commence à atteindre une taille critique, au point que j'oublie parfois certaines anciennes déclarations contradictoires ou certaines redites (non que la contradiction ou la répétition me gêne, mais cela permettra au lecteur de me juger plus sereinement). Je garde les sept libellés principaux (prologue, le monde, la cité, l'homme, les mots, les rêves, épilogue), auxquels un jour on pourrait rajouter "les images", peut-être: chaque message devra se rapporter à un seul de ces libellés, et l'ensemble de ces libellés contiendra tous les messages.
dimanche 23 septembre 2012
Va comprendre!
"J'aurais bien mis de ce parmesan dans mes pâtes", pensai-je en quittant le concert, faisant même un détour par l'endroit où j'avais trouvé la viande des Grisons*, il y a un mois. Pourtant, au réveil, seule me restait en tête l'image des jambes de la chanteuse, fines et fragiles (elles semblaient déjà moins fragiles dans le jean qu'elle portait en sortant de la salle), et sa voix caressante, son visage étroit, aux yeux allongés...
samedi 22 septembre 2012
Depuis Venise

vendredi 14 septembre 2012
Cartographie des nuages
Tandis que j'observe depuis le hublot les cataractes des cumulus, les tracés des fleuves, des champs, je me rends compte que je suis demeuré "l'enfant amoureux de cartes et d'estampes" - seule fidélité aux passions d'autrefois, renforcée encore par Google Maps, qui permet d'infinis voyages le long des côtes, au cœur des villes, la traversée de l'Italie, des déserts arabiques.
Et c'est aussi dans le temps que je voudrais voyager*, dans telle reconstitution pointilleuse de Constantinople*, dans la contemplation des vieux empires écroulés, du Songhaï, de la Horde d'or, sur la route de la soie, vers les échelles du Levant, dans l'évocation magique de Samarcande, de Khanbalik, de Tombouctou, de Tenochtitlan.
Puis, dans un troisième souffle, voyager vers les domaines imaginaires, les lieux rêvés dont le dessin demeure si précis, la terre de Moreiro*, la cartographie des nuages*.
mercredi 5 septembre 2012
Mille ans après
A lire quelques ouvrages déjà anciens sur les croisades*, on ne peut s'empêcher de juger avec sévérité et quelques regrets les péripéties qui ont entraîné la fin de la présence "franque" en Orient, la succession des épisodes douloureux et des occasions manquées, les
dissensions entre barons latins, le malheureux règne de Baudouin IV, la
duplicité des cités italiennes, l'impossible réconciliation avec la
chrétienté grecque, l'abandon par l'Occident de ces expéditions
coûteuses et inutiles. Comme si l'histoire pouvait être recommencée, certaines erreurs évitées: par exemple, si les croisades populaires ne s'étaient pas perdues dans les steppes d'Anatolie, et avaient permis de fournir aux États latins la quantité d'hommes qu'il aurait fallu pour se maintenir - si les divisions entre les potentats musulmans de Syrie et d’Égypte avaient pu être entretenues - si l'invasion mongole n'avait pas échoué face aux Mamelouks - etc.
Tout cela est absurde. Je ne suis certes pas un partisan des théories sur les mouvements inéluctables, les longues échéances... mais je serais prêt à faire une exception pour les croisades, dont les succès initiaux ont surpris à l’époque et continuent à nous surprendre. Le "miracle" est davantage que cette conquête ait duré aussi longtemps, pour des destinations si lointaines, avec si peu d'hommes!
Après la prise de Saint-Jean d'Acre, les contemporains ont très bien compris qu'il n'y avait plus lieu de continuer, qu'il valait mieux prospérer par le commerce: il suffit de considérer la fin de non-recevoir que les Vénitiens ont adressée au roi de Chypre Pierre Ier, quand celui-ci a voulu reprendre la conquête de l’Égypte.*
Après la prise de Saint-Jean d'Acre, les contemporains ont très bien compris qu'il n'y avait plus lieu de continuer, qu'il valait mieux prospérer par le commerce: il suffit de considérer la fin de non-recevoir que les Vénitiens ont adressée au roi de Chypre Pierre Ier, quand celui-ci a voulu reprendre la conquête de l’Égypte.*
De plus, si l'on se réfère aux motifs juridiques initiaux, il n'y a sans doute aucune raison de considérer les croisades comme un échec. Car il ne s'agissait pas (officiellement) de nourrir les ambitions territoriales de barons cupides, des Bohémond, Tancrède, Raymond de Saint-Gilles, mais de permettre le libre passage des pèlerins chrétiens à Jérusalem. Si l'on s'arrête à cet objectif, les croisades ont suffisamment marqué les esprits pour que ce libre passage ait depuis presque mille ans toujours été grosso modo préservé; plus jamais n'ont eu lieu les destructions commises par un Al Hâkim. Pour le reste, notre perception des événements évolue au gré de nos relations avec le monde musulman et de notre propre échelle de valeurs, passant d'un souvenir glorieux à une action un peu honteuse, dont les motifs religieux nous paraissent douteux, et les modalités, cruelles.
mardi 4 septembre 2012
Le coup de grâce
Que le déjà cité EM (Best) fût devenu un bon père de famille, un papa qui s'occupera sans doute très bien de sa fille, "this is the last straw" pensai-je en découvrant l'information sur Facebook - et songeant à mes propres échecs*. Y a-t-il pourtant là matière à s'étonner? Cet homme est un Übermensch, qui réconcilie les contraires, la mélancolie et le contentement*, la vie artistique et la vie économique*, la liberté et l'engagement*, l'éloignement et l'atteinte, et bien d'autres cordes pour bander son arc.
dimanche 2 septembre 2012
Les idiots utiles, et les autres
Cette caricature de Plantu illustre bien le changement d'opinion qui se fait sur la Syrie. Au lieu de rebelles parés de toutes les vertus, nous percevons maintenant de douteux combattants pas forcément bien intentionnés - et la destinée malheureuse des printemps arabes ne nous incite guère à la complaisance.
C'est comme si soudain nous comprenions le bien fondé de notre realpolitik antérieure, notre soutien à des régimes qui nous faisaient honte (à juste titre), mais qui se présentaient comme les ultimes remparts face à l'islamisme, et que nous tolérions/soutenions comme tels. Loin de combattre l'islamisme, ils l'ont pourtant gardé sous cloche, de façon à pouvoir justifier leur existence - et quel dommage que nous n'ayons jamais pu trouver un régime laïc qui ne fût pas corrompu ou militariste, une authentique démocratie dans un état de droit, qui aurait pu servir de modèle aux autres (certes, il y a le "modèle turc", mais son évolution très récente est assez douteuse).
D'ailleurs, on peut déjà voir un peu plus loin, les "islamistes modérés" de Tunisie ou d’Égypte vont jouer exactement au même jeu, en laissant la bride à des mouvements plus radicaux, à des idiots utiles, pour se présenter comme un moindre mal aux yeux de l'Occident et de leurs propres populations aveuglées. Il suffit de voir les molles réactions des autorités tunisiennes face aux bastonnades et autres joyeusetés menées continûment par des groupuscules salafistes (qu'il ne semblerait pas difficile de faire taire), pour se faire une idée assez fidèle de leur politique à venir et de la façon mesquine et peu inventive qu'ils auront de se maintenir au pouvoir. Dommage, car nous y avons cru nous aussi.
Quant à la Syrie, il est probable que le régime ne tombera pas malgré ses atrocités, et nous n'interviendrons jamais sauf énormité (par exemple, l'usage d'armes chimiques, ou des interventions étrangères lourdes). Le temps a joué pour le régime, la fin amère des illusions printanières*...
Dans huit jours, huit mois, huit ans...
Rêve d'une nouvelle idée*, dont la relation paraîtra un peu décousue. Mais je suis certain que tout y avait été très précis et logique.
L'idée était à peu près la suivante: un artiste commence à ne faire que reproduire d'anciennes œuvres, ruinant sa cote et dévalorisant sa production; son galeriste se trouve confronté au choix de le laisser mourir (car il est atteint d'une maladie dont le traitement a un prix astronomique), ou bien de céder à son amitié et de le laisser vivre et produire. Choix entre l'art et l'amitié. "J'ai bon espoir, disais-je dans un soupir, marchant sur l'arête d'un palais enchanté, que l'amitié triomphera de l'art."
Puis, pour me renseigner sur la profession, j'allais voir une galeriste parisienne "célèbre": elle avait un nom italien et avait l'apparence de cette vieille professeur d'espagnol un peu ronde que j'ai entrecroisée récemment par hasard dans un endroit inattendu. Je lui demandais quel était son chiffre d'affaires (elle bottait en touche), et si elle suivait les artistes tout au long de leur carrière. Puis Kofi Annan (le vrai, ce n'est pas un nom de code pour une fois) entrait, et la galeriste me disait avoir plusieurs fois traité avec lui "à Lisbonne et avant à Naples". Je poursuivais, demandant si elle cherchait à guider les choix artistiques des peintres qu'elle exposait, par exemple, en lui désignant des toiles de la galerie, si elle avait eu quelque influence dans les peintures "d'une grosse femme jaune ou d'une danseuse orange*".
Elle était en train de s'affairer à rouler un tapis, et je la gênais manifestement. Elle semblait avoir des doutes sur le sens de mes questions, et je prétendis vouloir écrire écrire une pièce de théâtre. "Je vous aime bien, déclara-t-elle à mon grand étonnement, je vous écrirai ce soir, quand finirez vous votre pièce? Dans huit jours?" Et je lui répondis exactement "Oh, huit jours, huit mois, huit ans, cela peut aller vite ou très lentement."
*: ce n'était pas exactement, dans mon rêve, cette "Danseuse rouge" de Van Dongen*, mais les deux peintures étaient à peu près dans le style fauviste, entre Van Dongen et Modigliani.
*: ce n'était pas exactement, dans mon rêve, cette "Danseuse rouge" de Van Dongen*, mais les deux peintures étaient à peu près dans le style fauviste, entre Van Dongen et Modigliani.
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