La proposition de taxer les comptes d'épargne à Chypre n'était pas si mauvaise qu'elle pouvait le sembler à première vue, surtout compte tenu des anciens blanchiments dans paradis fiscal chypriote et des rendements très supérieurs offerts par les banques ces dernières années (quel scandale!). Il fallait certes sans doute en préserver les petits épargnants, bien qu'ils aient été partiellement complices du système. Pour le reste, il n'y a pas de raison que les contribuables chypriotes (et encore moins les contribuables européens) paient pour sauver ces banques - je ne comprends pas, d'ailleurs, pourquoi l'extrême gauche ne salue pas cette soudaine taxation du capital, d'autant plus quand ce capital semble en grande partie malhonnête.
Maintenant que le plan est refusé, il semble que nous avons atteint le point de non retour, le Rubicon que nous n'avions jamais osé franchir même dans le cas de la Grèce (mais le problème était
différent):
"hands off Cyprus!" - quel slogan ridicule, bien digne de cette inadmissible paranoïa levantine que je commence

vraiment à haïr (me demandant si le vrai Levant n'est pas à
chercher ailleurs): fantasme de ressources gazières mirifiques que les Allemands convoiteraient, improbable plan B, espoirs grotesques et coûteux d'un soutien russe, imminence d'une seconde invasion turque...
"Hands off Cyprus!" - ils ne croient pas si bien dire, car nous n'aurons effectivement plus d'autre choix que d'enlever nos mains de Chypre, de laisser l’État s'écrouler avec ses banques et faire défaut, puis d'observer en temps réel, mais sur une petite échelle, l'accomplissement d'un scenario catastrophe tant redouté.
Le mal est sans doute déjà fait, car je ne vois pas comment un pays qui gèle des avoirs pendant plus de cinq jours peut restaurer la confiance des épargnants (donc autant procéder à cette taxe avant que tous les capitaux ne s’enfuient). Mais je comprends la critique visant à dire que la confiance est rompue (si l'épargne en principe sans risque est maintenant menacée), que la "solution" va créer ce
bank run contre lequel tous les européens luttent depuis cinq ans. Et si j'étais chypriote avec des dépôts supérieurs à 100 000€ (si seulement!), je serais sans doute furieux, avec l'impression de m'être fait scandaleusement duper (par les banques, par l’État, par l'Eurogroupe et le reste du monde). Mais irais-je pour autant manifester avec autant d’indécence? N'y a-t-il pas un peu de cinéma dans toutes ces manifestations d'épargnants? N'est-ce pas, après tout, un moindre mal - pour sauver le reste de l'épargne? Et avons-nous seulement le choix?
Quant au rejet du plan par le Parlement (y compris par le parti au pouvoir!), je n'y vois que le signe déjà dénoncé d'un complet jusqu’au-boutisme (je-m’en-foutisme?), l'apocalypse exerçant désormais une
irrésistible séduction. Les manifestants actuels ne comprennent pas qu'ils paieront cher les refus d'aujourd'hui, bien plus cher que le maigre pourcentage qui leur est exigé. Ni qu'ils devront rendre des comptes, sans doute dans la violence, aux manifestants de demain, aux vrais indignés qui n'auront plus rien à perdre.
"Que Dieu nous garde!"*