En quelques phrases justes et définitives, Simon Leys* démystifie deux vaches sacrées de ma jeunesse, André Gide, pour lequel sa moquerie demeure affectueuse, et Khalil Gibran*, la gloire de Bcharré*, le "prophète" tant vénéré:
"Celle de ses œuvres qui exerça la plus vaste influence, le livre qui le consacra comme le guru de la révolte contre l’ordre bourgeois, comme le maître à penser d’au moins trois générations successives de jeunes gens, c’est Les nourritures terrestres (1901). Martin du Gard se demandait si l’on ne pourrait pas lui appliquer ce que Sainte-Beuve disait de ces « livres utiles », mais qui « n’ont qu’un temps » parce que les « générations qui en profitent les usent ». Un autre problème avec ce genre d’ouvrages, c’est qu’ils inspirent habituellement quantité de médiocres imitations, et nous finissons par les lire à travers le prisme de leurs vulgaires caricatures. C’est ainsi qu’aujourd’hui, hélas !, Les nourritures terrestres ne nous rappellent rien tant que le kitsch de Khalil Gibran…"
Il faut reconnaître que cette influence néfaste se retrouve parfois chez Paul Toussaint*. Mais faut-il pour autant toujours brûler ce que nous avons adoré? Ne devrions nous pas simplement constater que les lourdes formes qui autrefois nous paraissaient puissantes, généreuses, qui correspondaient à nos attentes désespérées, ne fonctionnent plus passé un certain âge, nous laissent indifférents, de même que certains sons deviennent inaudibles, certaines boissons, imbuvables.
Je note pourtant qu'à l'époque, de nombreux amis se demandaient déjà pourquoi je lisais ce genre de livres, Lahla Ben Tafi par exemple, dont j'ai toujours hautement considéré le jugement, au point de ne jamais évoquer auprès d'elle les poèmes de Paul Toussaint.
Je note pourtant qu'à l'époque, de nombreux amis se demandaient déjà pourquoi je lisais ce genre de livres, Lahla Ben Tafi par exemple, dont j'ai toujours hautement considéré le jugement, au point de ne jamais évoquer auprès d'elle les poèmes de Paul Toussaint.