On aimerait que le dialogue avec la mort soit plus serein, que la vieillesse soit pleinement assumée...
"Aujourd'hui abordé au port
D'une douce et civile mort,
Comme en une terre seconde"*
"Aujourd'hui abordé au port
D'une douce et civile mort,
Comme en une terre seconde"*
Mais rien ne se passe ainsi. Nous résistons, tentons les efforts désespérés qui, comme de se débattre dans un sable mouvant, aggravent notre situation. "Je remarcherai bientôt, je reprendrai la voiture, je rentrerai chez moi"... autant de fausses espérances auxquelles on ne nous répondra plus que par une affirmation complice, de guerre lasse.
L'horizon s'est rétréci. Même les désirs simples sont devenus inaccessibles. Le monde n'est plus qu'un étroit hôpital indifférent. Le temps irrémédiablement immobile et vide s'écoule pourtant à une vitesse effrayante, dans des rapides infranchissables - sous l'énigmatique et rigoureux contrôle de souriants riverains, sans les visages familiers d'autrefois, tous absents, de plus en plus absents.
"J'ai gaspillé ma jeunesse, profites-en, profites-en!" - mais que veux-tu que je fasse? Que veux-tu que je fasse que tu n'as pas fait? Comment devrais-je en profiter, dans l'amour, dans une activité professionnelle créative, dans le sexe, dans l'exploration du monde, dans les joies d'une existence tout compte fait généreuse? Et de quelle jeunesse me parles-tu, celle d'il y a soixante ans, improbable époque inquiète, ou celle d'hier encore, où tu étais libre, où la mort n'était qu'un sujet parmi d'autre, qu'un lointain amer dans la surface agitée d'une riche vie sociale. "Peux-tu m'expliquer ce que je fais là?" - ¡si seulement j'avais le commencement d'une réponse, le réconfort d'un seul mot juste!