Dévoré, en quelques heures ensoleillées mais inquiètes, le Mars de Fritz Zorn. J'avais acheté le livre en 2006, sur les conseils d'un ancien professeur, mais je ne l'avais jamais ouvert; je l'avais sommeiller fidèlement sur une étagère. Peut-être est-ce mieux ainsi, peut-être que le livre ne m'aurait pas interpelé autant qu'aujourd'hui, maintenant que j'approche en âge de l'auteur, que m'environnent la maladie et le doute... Pourtant, je ne peux m'empêcher de regretter de ne pas l'avoir lu plus tôt, tant cette lecture est riche d'enseignements, et m'aurait épargné la peine de quelques découvertes.
Par exemple, son refus des distinctions classiques entre le corps et l'âme, entre le sexe et l'amour, et tous ces absurdes concepts comme l'esprit ou la conscience! Même si je ne viens pas de la rive dorée de Zürich (que par un hasard amusant je survole au moment même où j'écris ce message), les considérations sur sa jeunesse bourgeoise ne peuvent que m'être familières: absence de dialogue, de spontanéité, recherche de l'harmonie à tout prix (ça n'a pas vraiment marché*)... Combien de temps m'a-t-il fallu pour comprendre que ce genre de comportement n'avait aucune raison de se prétendre la norme? Ceci dit, je ne suis pas certain que tout cela devrait mener inévitablement à la dépression et au cancer. Blamer son milieu pour ses échecs m'a toujours paru une explication trop facile, mais qu'en sais-je?
Dernière similitude: il raconte n'avoir lu dans sa jeunesse que des auteurs anciens et consacrés, sur lesquels il pouvait exprimer des opinions toutes faites. De mon côté, j'ai toujours argué du manque de temps pour me concentrer sur les classiques ou pour me reposer sur les critiques les plus élogieuses, m'épargnant les risques, mais aussi les joies, de l'exploration artistique. C'est défendable, mais contestable également. Ne suis-je pas resté en toutes choses, hélas! un peu trop zurichois?