vendredi 20 mars 2015

Sur le vote grec (2)

Cet article de Libération non seulement nous inquiète sur l'impréparation de l'équipe dirigeante grecque et sur l'impasse dans laquelle se trouve ce pays, mais nous apporte beaucoup d'enseignements sur l'Europe.
Première erreur des dirigeants grecs: avoir cru que "l'Europe" était technocratique et non politique, qu'il suffisait de jouer les États contre Bruxelles. Il est vrai qu'en Grèce les États, via la troïka, ont avancé masqués. Combien de fois aura-t-on entendu le mantra qu'il "faut une Europe politique"? Alors qu'on y est déjà, depuis toujours. C'est justement pour des raisons politiques que le Portugal, l'Espagne, ne feront aucun cadeau à la Grèce, sans parler des pays de l'Est qui se voient dans la situation paradoxale de devoir aider un pays plus riche qu'eux!
Deuxième erreur, qui procède du même principe: croire pouvoir se reposer sur la Commission. La Commission a certes un intérêt à la solidarité européenne et la préservation de la zone euro - mais ces matières sont trop sérieuses pour que les États lui accordent un vrai pouvoir, et c'est l'Eurogroupe qui décide. 
On pourrait déplorer cet état de fait, mais cela me semble après tout un fonctionnement démocratique normal, dans une quasi-fédération, de voir s'arbitrer les choix démocratiques d'entités différentes.

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Pour revenir aux choses sérieuses, aurait-on pu sauver la Grèce en agissant différemment, plus tôt? Il aurait peut-être fallu que les Grecs aient voté Tsipras il y a dix ans, se réformant en temps de prospérité - mais à l'époque on ne se rendait absolument pas compte de ce qui menaçait: il y avait pourtant déjà des manifestations à Athènes contre le chômage, les "indignés" allaient bientôt apparaître - et leurs justes revendications, se trompant de cible, s'éparpillant vers de vieilles lunes, allaient rapidement tomber dans un oubli folklorique, tandis que se maintenaient les causes du problème (et un médiocre personnel politique attaché à ses rentes).
Au vu de cette situation, il aurait fallu s'ingérer plus franchement encore dans les affaires grecques, mettre en place une tutelle plus sévère pour assurer les rentrées fiscales  et être, en parallèle, plus généreux afin de préserver le niveau de vie des habitants et les sources d'une croissance future... Proposition scandaleuse, irréalisable, que personne n'aurait jamais voulu assumer, tant les relations intra-européennes ne peuvent être basées que sur une forme de confiance et de compréhension commune, sur des semi-mesures prudentes, timorées, bancales, quand il faudrait des changements radicaux (peu compatibles avec la culture du compromis bruxellois...).
La messe semble dite - et les Grecs qui se sont rués au guichet hier l'ont bien mesuré. Les erreurs de communication et de posture de Tsipras et Varoufakis font le reste. A leur décharge, leur mission était quasi-impossible, vu les espérances engendrées et l'état du pays... Il ne leur reste plus qu'à gérer la faillite, la guerre civile peut-être* (espérons que non), et des drames humanitaires autrement plus graves que ceux prêtés à "l'austérité".