Splendide ville de Reggio di Calabria, élégante, et la belle Tropea, bien sûr, comme une petite Dubrovnik bordée de plages tropicales... Mais on retient surtout ces villages de l'Aspromonte aux églises en tôle, aux champs à peine travaillés, les petits commerces sortis des années 1950, les villageois assis le long du trottoir, l'un d'entre eux peu enclin à replier ses jambes de la route, comme ces chiens assoupis dans une léthargie dédaigneuse, persuadés que les rares voitures les contourneront.
A Pentedattilo, deux maisons-musées restaurées sous fonds européens sont évidemment fermées, et les deux boutiques d'artisanat vendent d'indigentes pyrogravures dignes de l'école maternelle, et de la peinture sur coquilles de moules (!).
Sur la Côte Sud, une immense plage de sable est laissée quasiment vierge, hormis la voie ferrée, quelques décharges, des pensions un peu miteuses... Au moins, la notion de "déclin" si angoissante pour tant d'Européens n'a pas cours ici, car il faudrait un point haut à partir duquel décliner.
La notion de "développement" semble lointaine aussi, car elle supposerait une volonté de rattraper le retard: on devine pourtant les efforts individuels, les subventions, les initiatives... A Gerace, le bar-glacier nous comble de petites bruschette puis fait déborder nos cornets dans une abondance périlleuse. A Lamezia, la serveuse nous prépare des crêpes car elle nous trouve sympathiques... Rien n'est facile, rien n'est indiqué (pas même l'incroyable plage de Santa Domenica, qu'il nous a fallu un peu de patience, et deux ragazzi fatigués, pour dénicher), rien ne s'achète vraiment. Peut-être est-ce la vraie vie, le vrai savoir-vivre, qui échappent au reste du continent.