dimanche 30 décembre 2018

Sans laisser d'empreinte

Piteuse non-conclusion de l'histoire... Une autre voie était-elle envisageable ? Même de mon côté je ne savais qu'offrir ni que demander... L'éloignement ou l'atteinte*, la poursuite ou la fuite!  

Chacun a fait ses comptes, et considéré que même une halte rapide ne désaltèrerait pas, que même si la vie file dans nos nuits sans laisser la moindre empreinte une étreinte nous retarderait. 

Je me suis trompé. J'ai fait les mauvais choix, une fois de plus. Mais, à ma décharge, à quel moment les choix se sont-ils présentés de façon claire? 

J'aimerais qu'on m'explique ce qui se passe, qu'on me dise quoi faire - mais les choses se sont très bien décidées d'elles-mêmes, sans mon intervention. Je suis de retour dans mon désert.

mardi 25 décembre 2018

Quand l'Europe improvise

Hâte de lire le nouveau livre de Luuk van Middelaar, sans doute le seul penseur un peu juste et bien informé de l'Europe actuelle. Son Passage à l'Europe avait été lu, continue d'être commenté, mais est hélas probablement daté... Nouvelles régressions, nouvelles menaces.
Le titre "Quand l'Europe improvise" m'intrigue. Est-ce un reproche? Mais toute construction humaine improvise sans cesse. Rien n'est stable. L'équilibre est dans le travail des forces. Surtout à notre époque où l'Europe a dû survivre à des crises majeures: crise financière, crise migratoire, crise sécuritaire, crise liée à la mondialisation (ou plus exactement, à l'économie moderne), crise démographique dont les effets se font déjà sentir... Ce qui doit demeurer, c'est la volonté de rapprochement entre les peuples d'Europe, à l'intérieur de la civilisation européenne. Le destin des institutions est une autre affaire. A trop lier l'un et l'autre, nous perdons de vue l'essence de notre vie commune.

jeudi 6 décembre 2018

Gilets jaunes

Il faudra que l'histoire revienne souvent sur un effondrement aussi rapide, sur la désagrégation formidable de tout lien social, de toutes ces institutions respectables. Pourquoi maintenant? Pourquoi ici? Et pour combien de temps?

mardi 4 décembre 2018

Un autre 30 novembre

Coïncidence des dates, et si j'y avais pensé peut être aurais-je été plus loin dans l'exorcisme...

Cette attente inquiète d'un message, cette brûlure, qui me faisait écouter d'une oreille impatiente les conversations de mes amis. Et soudain, la réponse, l'euphorie d'une rencontre possible, les mots que l'on n'ose pas dire, qu'on se murmure à soi-même, la tendresse.

jeudi 29 novembre 2018

Le rêve du requin

La nuit précédent une importante rencontre, ce rêve brutalement interrompu. Je me trouvais "en Californie" sur une plage aux eaux gris foncé, métallique. Le ciel était nuageux, mais nous décidions de nous baigner avec d'autres personnes. Je me disais qu'il n'y avait de requins qu'en Afrique du Sud, dans l'Océan indien. Dans l'eau apparaît soudain un requin, il tourne autour des nageurs, et se précipite vers moi.
À ce moment là, je me réveille. Impossible de me rendormir. 
Je me réveille plutôt que d'affronter mes peurs profondes. La menace est trop puissante. Jamais je n'oserai l'affronter, même en rêve.

*

Et la nuit d'après, alternance instable de phases endormies et éveillées. Éveillé je vois l'impasse et je freine. Endormi je conduis joyeusement dans ma ville, sans craintes des obstacles et du trafic, vers là où je dois aller.

dimanche 25 novembre 2018

La mort de V. D. L.

Par les réseaux sociaux, j'apprends la mort de V.D.L. dans un accident de voiture.
Il était apparu dans notre classe de quatrième comme une sorte d'électron libre, de rebelle (et il payait cher sa rébellion), de meneur de groupe... À l'époque, craignant la catastrophe de l'année précédente, je m'en méfiais beaucoup, je lui adressais la parole le moins possible. Il y avait des abîmes entre nous, j'étais un enfant...
Pourtant, à ma grande surprise, jamais il ne m'a fait souffrir ni humilié. Au contraire, nous nous sommes bien entendus, et je crois que cette entente visible, combinée à l'amitié de C.L.H., m'a gagné le respect neutre de la classe, et m'a sauvé du désespoir.

Maître Kanter

Et dans quelques bulles improvisées, m'imaginer retournant l'ordre des choses, brouillant les cartes savamment dessinées, inversant même le cours de la vie peut-être, à la poursuite de la jeunesse... 

Capacité d'imagination trop vive, capacité de réalisation quasi-nulle. Déjà surgissent toutes sortes d'objections, des obstacles, des marécages, alors que rien n'a été fait ni même exprimé.

jeudi 8 novembre 2018

Un monde toujours beau, toujours divers, toujours nouveau

Beau spectacle sur La Fontaine, émouvant... Envie de s'y replonger. Cette belle langue, parfaite. Pertinente réflexion du comédien: en ayant atteint cette perfection il a rendu vaine toute tentative ultérieure d'écrire des fables. 

"Amants, heureux amants, voulez-vous voyager?
Que ce soit aux rives prochaines;
Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau ;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste;
J’ai quelquefois aimé! je n’aurais pas alors
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l’aimable et jeune Bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par mes premiers serments.
Hélas! quand reviendront de semblables moments?
Faut-il que tant d’objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète?
Ah! si mon cœur osait encor se renflammer!
Ne sentirai-je plus de charme qui m’arrête?
Ai-je passé le temps d’aimer?"

Gratitude

Dévoré, en quelques heures ensoleillées, le tome IX du Journal de Charles Juliet. Il y a quelques semaines, je l'avais acheté en croyant lire "Juliette Charles" sur la couverture et en pensant qu'il s'agissait d'une écrivain bobo parisienne (type Jacqueline Berger) qui pourrait être utile à un de mes vieux projets. Il faut dire aussi que mon frère me poussait pour sortir rapidement de la librairie, lui-même poussé par son amie qui nous attendait dehors. Mais ce n'est pas une excuse pour ignorer cet écrivain apparemment important (invité dans toutes sortes de colloques, dans des lycées, etc.): je n'en avais jamais entendu parler.

Gratitude - bien sûr! car depuis Marcel Cohen je cherchais en vain une compagnie intelligente et sensible, mais colère aussi de ne découvrir ces maîtres que par pur hasard... Je ne me tiens pourtant pas à l'écart du monde! Pourquoi ne me parle-t-on jamais des seuls auteurs qui comptent, plutôt que de fictionneux insipides et surenchérisseurs dont pas un livre ne survivra la décennie?

vendredi 28 septembre 2018

La chambre de Giovanni

Je l'ai lu en début d'année, souvenir déjà un peu confus, j'avais photographié quelques pages et maintenant je me demande ce qu'elles avaient de particulier. L'intérêt de ce livre est peut-être de rappeler qu'il ne s'agissait pas de quelque chose banale en 1956, mais l'est-elle vraiment devenue? Difficultés sociales, difficultés d'être - notamment cette fuite du temps et de la beauté des corps. Et l'amour compté avec parcimonie (mais cela, c'est pour tout le monde).

"Aime-le, dit Jacques avec véhémence, aime-le et laisse-le t'aimer. Tu crois qu'il y a autre chose qui compte sur cette terre? Et combien de temps penses-tu que ça puisse durer, au mieux, considérant que vous êtes des hommes et que vous avez la vie devant vous? Pas plus de cinq minutes, je te le garantis, cinq minutes, et la plus grande partie de ces cinq minutes, hélas! dans le noir. Et si tu penses qu'elles sont sordides, elles le seront parce que tu ne donneras rien, parce que tu mépriseras ton corps et le sien. Mais tu peux faire que ce soit tout le contraire, vous pouvez vous offrir l'un à l'autre quelque chose qui vous rendra meilleurs à tout jamais, si tu abandonnes cette honte, si tu ne fuis pas le risque. (Il s'interrompit, me regarda, baissa les yeux sur son cognac.) Si tu évite de prendre des risques longtemps, tu te retrouveras à tout jamais de ton propre corps sordide, comme moi."

 "Il m'attira contre lui, se glissant entre mes bras comme s'il se confiait à moi pour que je le porte, et il m'entraîna peu à peu vers le lit. Tout en moi hurlait: Non! et ce qui était vraiment moi soupirait: Oui."


samedi 15 septembre 2018

Somewhere in the heart of experience

Ouvrant rapidement le Quatuor, comme on replonge de temps en temps l'Evangile, les Faits de Marcel Cohen, les Fleurs du Mal, les poèmes de Cavafy:

"How greatly Pursewarden has gained in stature since his death! It was before as if he stood between his own books and our understanding of them. I see now that what we found enigmatic about the man was due to a fault in ourselves. An artist does not live a personal life as we do, he hides it, forcing us to go to his books if we wish to touch the true source of his feelings. Underneath all his preoccupations with sex, society, religion, etc. (all the staple abstractions which allow the forebrain to chatter) there is, quite simply, a man tortured beyond endurance by the lack of tenderness in the world."

"In the harbour of Alexandria the sirens whoop and wail. The screws of ships crush and crunch the green oil-coated waters of the inner bar. Idly bending and inclining, effortlessly breathing as if in the rhythm of the earth's own systole and diastole, the yachts turn their spars against the sky. Somewhere in the heart of experience there is an order and a coherence which we might surprise if we were attentive enough, loving enough, orpatient enough. Will there be time?"

dimanche 2 septembre 2018

Pendant l'été 1959 (2)

Splendide ville de Reggio di Calabria, élégante, et la belle Tropea, bien sûr, comme une petite Dubrovnik bordée de plages tropicales... Mais on retient surtout ces villages de l'Aspromonte aux églises en tôle, aux champs à peine travaillés, les petits commerces sortis des années 1950, les villageois assis le long du trottoir, l'un d'entre eux peu enclin à replier ses jambes de la route, comme ces chiens assoupis dans une léthargie dédaigneuse, persuadés que les rares voitures les contourneront.
A Pentedattilo, deux maisons-musées restaurées sous fonds européens sont évidemment fermées, et les deux boutiques d'artisanat vendent d'indigentes pyrogravures dignes de l'école maternelle, et de la peinture sur coquilles de moules (!).
Sur la Côte Sud, une immense plage de sable est laissée quasiment vierge, hormis la voie ferrée, quelques décharges, des pensions un peu miteuses... Au moins, la notion de "déclin" si angoissante pour tant d'Européens n'a pas cours ici, car il faudrait un point haut à partir duquel décliner.
La notion de "développement" semble lointaine aussi, car elle supposerait une volonté de rattraper le retard: on devine pourtant les efforts individuels, les subventions, les initiatives... A Gerace, le bar-glacier nous comble de petites bruschette puis fait déborder nos cornets dans une abondance périlleuse. A Lamezia, la serveuse nous prépare des crêpes car elle nous trouve sympathiques... Rien n'est facile, rien n'est indiqué (pas même l'incroyable plage de Santa Domenica, qu'il nous a fallu un peu de patience, et deux ragazzi fatigués, pour dénicher), rien ne s'achète vraiment. Peut-être est-ce la vraie vie, le vrai savoir-vivre, qui échappent au reste du continent.

samedi 4 août 2018

Contre la raison

Annonce du nouveau gouvernement italien que les parents n'auront plus à fournir de preuves de la vaccination de leurs enfants, juste une sorte d'engagement sur l'honneur. Ce combat contre la vaccination, une des marottes des cinq étoiles et du président du conseil italien (et de quelques illuminés en France), est la première marque de la folie dans laquelle l'Europe est embarquée. Anti-immigration, anti-Europe, anti-mondialisation, soit: il doit y avoir des arguments peut-être... Mais le rejet de la science, de tout ce qui a pu être démontré objectivement, fait partie d'un complotisme plus large, où la raison et bientôt la vie pourront être déniées. Ces excès devraient être dénoncés, mais par qui?
Loi hypocrite de surcroît, qui laisse aux parents l'opportunité de mentir sur la protection qu'ils jugent nécessaire (sur quelle base? sur des racontars sortis d'internet?) pour leurs enfants. Et qui n'assume pas son parti pris idéologique: si la science ment et que les vaccins sont dangereux, pourquoi les autoriser?

mardi 31 juillet 2018

Pendant l'été 1959

"Pendant l'été 1959, l'hebdomadaire milanais Successo m'avait envoyé en reportage le long des côtes italiennes. (....) En Calabre me frappèrent le dénuement des villages, la sauvagerie du littoral, la tristesse des jeunes, le poids des interdits. (...) Il ne faisait pourtant aucun doute qu'une sympathie intense m'avait inspiré ces lignes sur l'abandon et la misère d'une province florissante au Ve siècle avant Jésus-Christ mais que n'avait plus jamais visité, comme la Sicile sous les Arabes ou la Pouille sous les Normands, le vent roboratif de l'histoire."
Peu à ajouter à ces mots de Dominique Fernandez prêtés à Pasolini dans son étonnante biographie romancée. Les descriptions de Dumas peut être (le dernier écrivain français, semble-t-il, à avoir mis les pieds en Calabre), qui rappelle des voyages à Madagascar ou au fond d'une Afrique qui n'existe même plus. On y voit des choses qu'on ne soupçonnerait même plus après 60 ans de "construction européenne". Et cette impression d'abandon, de défaite au milieu de la beauté... Il suffirait de quelques années pour changer tout cela (comme Pouilles et Sicile ont déjà grandement changé)... mais pourquoi changer ?!
Constructions éventrées par de mystérieux découragements (la mafia? les séismes?), dans l'Aspromonte ou même au bord des merveilleuses plages de Tropea, à moitié construites et déjà gagnées par la rouille et la  végétation, si bien qu'on ignore si l'on est dans le déclin, dans l'investissement "divesti", si quelqu'un a cru un jour en ces projets ou fait mine d'y croire, ou a juste voulu marquer le terrain comme un chien qui laisserait quelques traces pour l'avenir. Mais même cette nonchalance est agréable, rafraîchissante. On ne se sent pas dans l'économie du profit, du client-roi, de la dépense frénétique, mais ramenés dans une autre ère plus indifférente à la marche du monde et aux lois de l'économie marchande.

dimanche 29 juillet 2018

Frédéric 2

Même condamné, même enfermé dans ce tonneau bien scellé, après des heures d'attente où il a espéré ta clémence, où il a refusé d'admettre que tu lui serves d'objet pour tes expériences absurdes, il a crié. Au seuil de l'oubli, il a crié.
Toutes tes victoires et tes défaites, tes magnifiques compromis, tes constructions mathématiquement ordonnées s'évanouiront, deviendront incompréhensibles aux siècles futurs. Mais ce cri, ils le comprendront.

vendredi 27 juillet 2018

Bilan de mi-parcours

Alors que rien ne s'est passé, la "Bruxelloise" évacuée par la chasse d'eau d'un appartement prestigieux, achevant sa courte course dans le retraitement des ordures, les promesses d'un regard jamais engagées, la colère monte et les jours s'enfuient. 
Il y a pourtant des choses que j'ai prises en main, et tout d'abord (enfin!) un léger effort de présentation physique. Toujours empêtré de mon corps je me suis retrouvé à ne plus en avoir tout à fait honte. C'est déjà un début... 
Mais il reste peu de temps pour tout cela. Il me faudrait avoir quinze ans de moins.

dimanche 18 mars 2018

Musée Marmottan, Paris

Dans le sous-sol des merveilles, soudain attiré par cette masse sombre, ce courant qui entraîne les algues rouges, noires, bleues, vertes, et la lumineuse barque sous les branchages. Est-elle prise dans le même mouvement passant furtivement sous notre regard ? Ou, accrochée aux branches, immobile (comme sont accrochées et immobiles toutes ces algues dansantes, courbées) attend-elle simplement que le courant se lasse, se tarisse, ou inversement que se brise sa corde - et que commence enfin, hors cadre, l'âge des remous et des tempêtes?

samedi 17 mars 2018

Nathanaël

"Car, je te le dis en vérité, Nathanaël, chaque désir m'a plus enrichi que la possession toujours fausse de l'objet même de mon désir" peut-être, certes, mais.... Trop riche de désirs et de rêves non formulés, joyeux de détails, d'un mot, de l'ébauche d'un sourire, pauvre et promenant ma pauvreté dans les rues vides, avec dans un plastique trois histoires périmées, inutiles, et mes constructions absurdes et splendides.