samedi 26 décembre 2020

Believe that further shore / Is reachable from here

History says, don't hope
On this side of the grave.
But then, once in a lifetime
The longed-for tidal wave
Of justice can rise up,
And hope and history rhyme.

So hope for a great sea-change
On the far side of revenge.
Believe that further shore
Is reachable from here.
Believe in miracle
And cures and healing wells.

Call miracle self-healing:
The utter, self-revealing
Double-take of feeling.
If there's fire on the mountain
Or lightning and storm
And a god speaks from the sky

That means someone is hearing
The outcry and the birth-cry
Of new life at its term.
Seamus Heaney

samedi 12 décembre 2020

20 novembre

On aimerait en dire plus sur l'émotion, le bonheur, ou autres sentiments qui viendront a posteriori. Mais dans cette salle d'hôpital où tintaient les sondes et les moniteurs (ou pire, cessaient parfois de tinter !), l'impression principale était d'impuissance, de fragilité.
Et dans le regard échangé (?), toutes sortes d'appréhensions et de questions auxquelles je n'aurai jamais la réponse !
Il faudra laisser le souffle de vie balayer ma nature pessimiste, me permettre de profiter de l'instant, me permettre de faire confiance à un si petit être pour s'épanouir dans l'aventure qui commence. 

dimanche 15 novembre 2020

La nuit de novembre

"De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu'un soupir,
Et s'évanouit comme un rêve."

Lisant ces vers de Musset (curieusement toujours lisibles et parlants, malgré tout le temps et toutes les critiques amoncellés depuis), je repensai à la fin de mes "échanges" avec Maître Kanter... Fin dont je mets du temps à me résoudre, alors que la question est close depuis longtemps certainement. Quel nom donner à tout cela ? Le mot "échange" est-il même correct ? Qu'ai-je donné ? Qu'ai-je reçu, à part un peu de confiance en moi vite étanchée, quelques illusions construites sur des mensonges et des silences, et jamais aucun geste ni aucun rêve ? Il ne me reste rien que des questions innombrables, que des incertitudes. Je suis même incapable de savoir ce que je voulais, ce que je veux, ce que je voudrai un jour !

A un moment pourtant, j'ai cru voir une solution possible. La présence quasi-imaginaire de Maître Kanter comblait un besoin, me permettait de m'exprimer, me renvoyait une image plaisante, encore jamais vue. De cela, je devrais être reconnaissant. Et je le suis, même s'il s'agissait sans doute plus pour moi d'une construction intérieure que d'un être réel, et j'ignore à qui adresser ma gratutide. "Tels sont les désirs qui nous ont quittés sans s’être accomplis ; sans qu’aucun n'atteigne à une nuit de volupté ou à son lumineux matin."

samedi 14 novembre 2020

Ils sont dans le jacuzzi...

Dans ces moments d'ennui, promenade sur Instagram où, par le jeu des algorithmes, surgissent en foule les images de ces couples heureux, amoureux, voyageurs, élégants, sportifs, désirables en tous points... J'avais lu il y a quelques temps qu'Instagram est le réseau social qui rend le plus malheureux (dans une rude compétition avec les autres réseaux !).
On a beau savoir que ce ne sont que des fictions personnelles, qu'eux-mêmes dissimulent leurs douleurs, leurs solitudes, s'angoissent dès que les réactions leur semblent insuffisantes, se grisent de l'avis de parfaits inconnus... Mais parfois, au détour d'une image, par certains aspects de vie ordinaire, on croit deviner un peu d'authenticité, une vérité vaguement plausible. Et la question perpétuelle revient: pourquoi rien de cela ne m'est jamais arrivé ? Même pas le reflet de cette image ? Même pas le commencement d'une ébauche d'un reflet de cette image ?

*

Et encore, je regarde cela "de l'autre côté de la jeunesse", de l'autre côté de la vie. Mais pour un jeune aujourd'hui, combien en effet ces images doivent être frustrantes, douloureuses. A l'époque, rien de cela n'existait. Il n'y avait quasiment rien entre la littérature et la pornographie pour constituer un imaginaire. En étions-nous plus heureux, ou moins heureux ? Je l'ignore.
Ces images m'auraient rendu malheureux certainement, mais peut-être m'auraient-elles aidé, à leur façon, à comprendre ce à quoi ma future vie pouvait ressembler. Au lieu de cela, je ne voyais alors que des récits sordides, des "ponts des soupirs" scabreux, des personnages caricaturaux qui n'éveillaient en moi ni jalousie, ni aucun désir. 

mercredi 11 novembre 2020

Un homme libre

Rêve où je me retrouvais au lycée (?) et où l'on me demandait "qu'est-ce qu'un homme libre ?".
Et je me promenais, dans les citations littéraires et les peintures, dans l'émerveillement des arts et de la pensée. Hélas, je ne me souviens plus de rien ! Sauf à la fin, je redisais le poème d'Henri Michaux, "un jour, un jour peut-être..." et j'évoquais la fin de la pièce de théâtre Art, avec cette peinture blanche, peinture d'un skieur vêtu de blanc, qui s'éloigne dans un tourbillon de neige... "Voilà un homme libre", concluais-je.

*

Clown

Un jour,
Un jour, bientôt peut-être,
Un jour j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers

Avec la sorte de courage qu'il faut pour être rien et rien que rien.
Je lâcherai ce qui paraissait m'être indissolublement proche.

Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille"
Vide de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nourricier.

A coups de ridicule, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance?), par éclatement.
Par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage
Et à mes semblables, si dignes, si dignes mes semblables.

Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une immense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.

Clown, abattant dans la risée, dans l'esclaffement, dans le grotesque, le sens que toute lumière je m'étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous, ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée.

A force d'être nul
Et ras
Et risible...

Tu es vivant

Rêve dans une maison inconnue, en fin de nuit. Deux jeunes chétifs s'approchent, s'embrassent (curieusement, il ne s'agissait ni de moi, ni de personne dont je me souvienne). L'un d'eux finit par demander l'heure - six heures du matin - et par dire qu'il a bien fait d'entrer dans la maison à ce moment-là. L'autre répond justement que non. C'est l'heure où le père entre dans le salon, avec sa grande tasse de thé.
Le père ne semble guère surpris, il fait une remarque bienveillante sur le célibat qui s'achève. Ils s'embrassent de nouveau, l'un d'eux s'en excuse. Le père répond après un silence: "tu es vivant" ou plus exactement "tu es en train de vivre" ("you are living")..

dimanche 11 octobre 2020

Nouvelle normalité

Avec du recul, on se demandera comment chacun aura vécu cette année étrange, avec ses confinements, ses couvre-feux, ses sorties masquées, la méfiance même parmi les proches, et les idées folles et antagonistes gonflées par la solitude et les réseaux sociaux... Mais pour moi la nouvelle normalité n'a pas été si pesante, l'activité professionnelle s'est poursuivie, la fin de l'activité sociale à en partie été un soulagement, la forte probabilité d'avoir contracté le virus dès le mois de mars m'a évité la panique, et les perspectives à venir ont rendu la vie à deux légère, joyeuse... 

samedi 26 septembre 2020

vieilles lunes

Fascinante lecture: Quand notre monde a cessé d'être chrétien de Guillaume Cuchet. L'auteur cherche toutes les causes, bouleversements sociaux, familiaux, exode rurale, montée de l'individualisme, apparition de la télévision... mais surtout, à ses yeux, le Concile Vatican II qui a brouillé les bases de la foi, qui a ravagé les pratiques. Est-ce vrai ? Est ce valable pour tous les pays ? 
Conclusion sous forme de question rhétorique : "est-ce la même religion?"  N'est juste resté que la puissance du message christique (pour ceux qui font l'effort de se renseigner), mais la construction ecclésiastique s'est effondrée. Et tous les dogmes, résurrection de la chair, enfer, immaculée conception, rémission des péchés, ont disparu comme des vieilles lunes vides de sens, que même les prêtres ne savaient plus expliquer.
Il faudrait raconter, de façon plus détaillée, mon expérience de ces questions. Par exemple, mes parents qui ne nous ont rien transmis parce qu'il ne savaient pas quoi nous transmettre... L'hostie ravalée au niveau de "symbole". La "transcendence" comme un mantra jamais expliqué.
La religion catholique n'est plus qu'un marqueur social pour une minorité  malveillante, et un vague marqueur culturel quand quelque extrémiste vient troubler le fond oublié de notre identité.
Pire encore, par ses positions sociales (venues d'on ne sait quelles piètres interprétations ou lectures), l'Eglise semble pour beaucoup avoir trahi le message du Christ, et incarner, non pas l'hypocrisie ou l'arriération (ce qui pourrait encore lui être pardonné), mais le mal lui-même. 

dimanche 30 août 2020

Bundestag

Déplorables images d'une foule berlinois "furieuse" (excitée par les réseaux sociaux et appelant Poutine à l'aide (!) cherchant à s'engouffrer dans le Bubdestag, tandis qu'à quelques centaines de kilomètres des femmes biélorusses manifestent pour la démocratie et pour des élections enfin libres. Quelle indécence.

*
 
J'espère que les hystéries de notre époque seront vite oubliées, rangées par les historiens du futur dans la collections des nombreuses fièvres sans conséquences... Cette somme de "colères" individuelles que ne vient plus calmer les mouvements collectifs (syndicats, partis, expressions artistiques) est stérile. Parvenue au pouvoir (États-Unis, Royaume-Uni, Italie), elle sombre dans un chaos et une surenchère inextinguible. La chute est douloureuse, mais la remontée le sera aussi sans doute (si nous y parvenons). 

mardi 25 août 2020

Des événements (2)

Sur tous ces événements, et bien au-delà, on pourra me faire un reproche similaire: que  des crises fondamentales, des artistes devenus immanquables (ou qui le sont peut-être déjà aujourd'hui), n'ont pas affleuré ces lignes... Et l'on se demandera dans quelle bulle, dans quel hospice lointain j'ai vécu, en constatant que l'écho d'immenses batailles n'a pas déclenché chez moi le moindre murmure.

vendredi 21 août 2020

Vers la fausse Istanbul

Rêve que j'allais à Istanbul (une "fausse Istanbul"* que nous n'apercevions que de loin). J'étais avec la Mazarine sur un bateau qui longeait Büyükada, où des palais vénitiens s'élevaient le long de falaises gigantesques, reliées par de hauts ponts.

Plus tard, j'arrangeais un voyage familial en Méditerranée (au départ de Venise? Ou Patras?) mais nous arrivions d'abord dans un aéroport turc, avec un ascenseur qui ne fonctionnait pas.

*

Au réveil, déplorable annonce de la reconversion de Kariye Camii (Saint Sauveur in Chora), j'imagine que celle-ci suivra le "modèle" de la mosquée/musée Fethiye, avec la salle principale pour la prière et les autres pour la visite (?). Tous ces monuments fragiles et précieux méritent mieux qu'une instrumentalisation grossière. J'en tremble. 

jeudi 13 août 2020

Des événements

Des événements importants de cet été (Biélorussie et Méditerranée orientale) les médias français ont été presque muets dans les premiers jours où ils ont eu lieu. La crédibilité de l'union européenne s'y joue pourtant, son modèle, ses valeurs, et sa force. 

Phénomène presque inexplicable pour moi, à l'heure de l'information en temps réel. Peut-être que ces événements manquaient d'images spectaculaires (du moins au début), nécessitaient un peu de pédagogie (localiser Minsk et Kastelorizo), et qu'ils semblaient très lointains, surgissant comme d'une autre époque.

jeudi 6 août 2020

Explication du monde

Dans toutes les explications du monde, la sagesse des anciens grecs n'a rien perdu de sa valeur: une lutte entre dieux jaloux, amusés à se jouer de nous, emportant nos derstinées dans leurs querelles, dans leurs amours peut-être. Comment justifier autrement l'ironie et la cruauté de la vie? Ni le hasard, ni un dessein supérieur auquel se soumettre, ne semble intellectuellement satisfaisants. 

vendredi 26 juin 2020

26 juin 2020

Pensée fugace tandis que je courais dans les extrémités boisées de la ville, à la recherche de nouveaux chemins, de sentes cachées, agrandissant les limites connues de mon environnement à défaut d'explorer le monde. Oserais-je le dire, sans attirer sur moi les malheurs? Les travaux de la semaine accomplis. La joie de se savoir en bonne santé (surtout en ces temps troublés). La bienveillante attention de ceux qui compte pour moi. Dans sa poche aquatique, un  “lutin“ amateur de trampoline cabriole. Que demander de plus? 

mercredi 3 juin 2020

Dix ans après

(Rares) lectures de confinement, les Trois Mousquetaires et Vingt ans après... débusqués dans les hauteurs de l'étagère où ils sommeillaient depuis plusieurs générations.

J'avais tenté de lire les Trois Mousquetaires il y a une dizaine d'années. Je n'avais ressenti aucun intérêt pour ces histoires niaises d'amitié et de bravoure à la recherche d'un vague "ferret" qui sauverait l'honneur d'une reine. Au quatrième chapitre, le livre avait sagement rejoint la poussière un instant perturbée.

Parfois l'humeur change, les sentences se révisent, et l'on découvre un intérêt pour des choses ou des personnes précédemment condamnées. J'ignore ce qui a changé en moi (le besoin d'action dans un moment de claustration?), emporté en quelques jours par ces pages spectaculaires - le récit de la mort de Buckingham, par exemple, les manipulations de Milady, comment ai-je pu ignorer cela si longtemps? 

Et surtout, dans Vingt ans après, la sobre descriptions des désillusions, les amis dressés les uns contre les autres, les carrières qui n'ont pas avancé (scène très familière...). Ce passage consternant, en fin de livre, où D'Artagnan instille la méfiance de chaque mousquetaire envers les deux autres, pour s'assurer qu'aucun ne le trahira... Le livre se finit même trop vite, on en réclame plus! 

Heureusement la livraison du Vicomte de Bragelonne est "en cours d'acheminement". Hâte-toi! 



lundi 18 mai 2020

Message ouvert pour

Terrible angoisse. On voudrait que tout se passe bien. Empêché d'accéder au centre médical (pour cause de coronavirus), j'attends des messages qui tarderont bien trop.
Immatérialité et impuissance.
S'il lui est donné d'exister et d'arriver à l'âge des questions et des troubles, j'espère qu'il/elle ne doutera jamais d'avoir été intensément désiré(e)!

*

Me revient le message ouvert pour moi à l'abbaye de Chantelle:

"Qui regarde le vent, ne sème point,
qui observe les nuages, ne moissonne pas.
Comme tu ne connais pas la route du vent, ni les secrets d'une femme enceinte, ainsi tu ne peux connaître l’œuvre de Dieu qui dirige tout."




mercredi 13 mai 2020

Retour sur 2019

Je regrette de ne pas avoir davantage décrit, sur le moment, les événements de cette année si différente des autres pour moi. Non qu'il y ait eu le moindre changement tangible dans le cours de ma "vie extérieure", mais ces événements ont enrichi ma "vie intérieure" d'émotions nouvelles, qui auraient mérité de figurer ici.

Pour me justifier, je dirais que ces émotions étaient justement trop vivantes, trop incertaines, pour être  "partagées". La puissance mensongère du souvenir devra s'y substituer, qui déjà recrée les choses sous un angle moins vivace, plus apaisé.

mardi 5 mai 2020

Bundesverfassungsgericht

On se souviendra que le coup de grâce et le renversement de l'Union européenne seront venus, non d'autocrates extrémistes ou d’États périphériques jamais convaincus par le projet, mais de juges constitutionnels confortablement drapés dans des convictions statiques et nationales des enjeux contemporains.

Ceci dit, l'Union européenne se construit sur des ambiguïtés, sur des contradictions, sur des reculs aussi. La dimension "fédérale" de la Cour de Justice de l'Union européenne et son activisme dynamique en faveur de la construction européenne étaient passées sous l'écran de radar, et lui avaient permis de prendre le relais d'une Commission impuissante et d'États incertains. Cette situation n'était peut-être pas viable démocratiquement (pas plus néanmoins qu'une rébellion de juges nationaux qui s'arrogent l'interprétation du droit européen pour 26 autres États). 

La création d'un espace démocratique lisible pour les citoyens européens devraient idéalement se substituer à ces échafaudages bancals, mais la société prend le chemin inverse, avec son hyper-fragmentation du fait des réseaux sociaux (qui entretiennent les effets de bulle et de complot), sa fascination pour les discours simples et radicaux dont la violence même rassure (car donne l'illusion que tout est possible?). 

La crise du coronavirus pourrait peut-être permettre un certain réveil (la "crise", c'est "l'irruption de l'avenir dans le présent" - intéressante formule du Dyonisien). L'inanité et l'impuissance des présidences autocratiques sont exposées (mais les intéressés le perçoivent-ils seulement? l’aveuglement semble irréversible hélas), les manipulations sont dénoncées. Il est aussi apparu clairement que l'impuissance des institutions européennes provient surtout des dissensions entre États-Membres, et que les solutions ne sont pas à Bruxelles mais à Berlin ou La Haye. D'un côté, l'absence d'une communauté, de l'autre, la demande presque désespérée d'une communauté ("que fait l'Europe?"): cette contradiction conduit à des situations négatives (dont profitent les extrêmes, qui brocardent l'inaction d'une Europe dont ils ont pourtant coupé les ailes!), et force l'Europe à n'avancer qu'à reculons, forcée par des catastrophes successives, quand toute autre option mènerait à l'anéantissement.

vendredi 1 mai 2020

Une impression durable

Réveil au milieu de la nuit.... Je me trouvais dans le métro, un peu égaré, je rencontrais soudain ma grand mère (paternelle). Nous n'avons pas parlé mais nous nous sommes étreints, avec émotion.

Rêve d'autant plus étonnant que je pense rarement à elle, que je n'en parle pas, qu'elle m'évoque peu de souvenirs. Dans notre enfance, nous étions loin de C**, et nous la voyions surtout dans des occasions assez formelles (avec pour seuls souvenirs les nuits à écouter les voitures, et les promesses non-tenues de tante Roberte). Nous étions aussi "manipulés" pour ne pas aller la voir - elle en avait fait le reproche (justifié) à ma mère, qui prétendait que nous nous ennuyions à C** et nous demandait de le dire. Pourtant, j'ai en mémoire son rire, des jeux de cartes ou livres anciens que j'y lisais, une journée où nous étions allés au manège et avions attrapé le pompon (les plaisirs de la vraie ville, que nous ignorions dans notre quartier "péri-urbain"). 
Ce n'est pas grand-chose.
Passé mes dix ans, elle a commencé à décliner, à perdre lentement l'esprit, et c'était une gentille personne poudrée un peu gênante, à qui l'on ne savait quoi dire, et qui ne nous reconnaissait plus (je me demande comment nous aurions pu faire sur elle une impression très durable, alzheimer ou non, en l'ayant vu si rarement).
Pourtant, l'émotion de la voir "dans le métro" était bien réelle cette nuit, comme si nous avions des choses à partager, une relation jamais construite, une tendresse jamais exprimée.

Couper les vivres

Je repense souvent à cette discussion déjà ancienne, il y a deux ou trois ans peut-être. Mon père expliquait qu'une cousine (déjà étudiante) était en couple avec un homme beaucoup plus vieux qu'elle, et que, par réaction, mon oncle lui avait "coupé les vivres". Cette mesure avait paru tout à fait raisonnable à mon père (notons au passage que l'oncle en question a quitté son épouse pour une femme plus jeune... on n'est plus à un paradoxe près).

Cette anecdote en dit plus que cent messages que je pourrais écrire. Il n'y aurait pas eu d'échappatoire (si la situation avait dû se présenter), uniquement des réactions violentes, des renonciations terribles. Dans tout cela, "l'amour paternel" n'a pas sa place, il ne l'a jamais eue.

lundi 20 avril 2020

Annonce

A défaut d'ange surgissant de la lumière, une tâche sur une bandelette mouillée d'urine... mais je crois que l'émotion est la même. Crainte, incertitude, gratitude...

mercredi 8 avril 2020

Le monde d'après

Retournement social: certains métiers dévalorisés s'avèrent les plus utiles - éboueurs, caissiers, brancardiers - tandis que nombre de hauts diplômés se retrouvent oisifs (ce n'est pas mon cas), à la campagne, à écouter les oiseaux chanter et à réinventer le monde sur les réseaux sociaux.

Le monde d'après sera-t-il aussi différent que certains le prétendent? Malheureusement sur ces aspects sociaux, économiques, géopolitiques, sans doute non, sans doute même pire. Hormis quelques rêveurs, tous voudront retourner à la normale, voire minimiser les sacrifices qu'il faudrait pour réellement changer de monde. Les tendances les plus négatives des années précédents s'aggravent (complotisme, isolationnisme, etc.) et les solutions les plus extrêmes sont parées des vertus du "bon sens".

vendredi 13 mars 2020

Telle personne en parfaite santé

Difficulté de la situation, on ignore pendant quatorze jours si l'on est atteint, tout en étant contagieux. Par conséquent, la méfiance s'impose. Telle personne en parfaite santé est semeuse de mort. Comme les amis que l'on étreint, toutes les intéractions sociales deviennent dangereuses. L'insouciance (hier encore, quand j'y repense!) cède soudain la place à la panique.

jeudi 5 mars 2020

In the electric mist

Cette sensation que j'avais décrite il y a des années, de se sentir soudain l'objet d'un désir que l'on n'avait pas cherché à provoquer, d'un désir trop pressant auquel on ne sait comment répondre, si ce n'est pas par la prostration sidérée puis la fuite... L'on s'interroge: n'avais-je pas envoyé des messages ambigus - dans un regard, dans une attitude - n'aurais-je pas voulu répondre aux mêmes sollicitations ailleurs ou à d'autres moments, n'ai-je pas provoqué cette situation en travaillant depuis quelques temps, et en réussisant enfin, à cet âge presque trop avancé, à me construire un corps désirable? A quoi bon?


mardi 28 janvier 2020

Sous le parapluie, un poète oublié, une montagne froide

Sous la pluie battante, entre le pub irlandais et le restaurant japonais, j'aurais très bien pu mettre ma capuche au lieu de m'abriter sous son parapluie, de me calquer sur son pas rapide, sautant joyeusement au-dessus des vastes flaques comme pour prouver ma souplesse et ma vigueur...

*

Paul Toussaint a décrit en son temps une situation similaire (et dont la conclusion avait été similaire!), dans un poème qu'il avait failli supprimer du recueil.

Nous marchons lentement le long du fleuve, 
Abrités embrassés sous ton parapluie bleu, 
Nous nous aimons – quel dommage qu’il pleuve ! 
Mais qu’importe, après tout, le vieux soleil mielleux ?

Et si nous faisions l’amour ?

(...) Passent les avenues, rêve la ville, 
Et toujours nous marchons dans l’air pesant du soir ; 
 Sur ton visage, un dernier rayon brille, 
Une promesse en ton regard un chant d’espoir… 

Et si nous faisions l’amour ? 

*

Il faut savoir se satisfaire de peu, savoir se satisfaire de rien, un sourire à peine esquissé, une information parcimonieusement délivrée (qui accroît nuages et questions eu lieu de dissiper les mystères), une rare attention non forcée. "On me parle d'un volcan, mais je ne vois qu'une montagne froide" lui avais-je répliqué, un jour, furieux de ne rien obtenir.