lundi 20 août 2012

Le soleil noir

Oui, nous écoutions ces insurpassables chansons*** de Barbara (que Paul Toussaint avait célébrée à une époque ancienne), ensablés dans notre mélancolie, inconsolés. Pour le dire en termes d'alors, nous "jouissions de notre différence"; et cette mélancolie était devenue un blason que nous arborions en toute occasion.
Pendant longtemps, nous avons cru que cela nous donnait une supériorité sur les autres: parce que nous avions lu quelques livres de plus*, étions sensibles à tel poème* ou à telle musique*, nous valions mieux que ces êtres contents, sportifs, qui savaient où ils allaient, qui "bâtissaient quelque chose de fort"*. (Curieusement, à leurs yeux, ce recul semblait leur inspirer un respect distant - et je me suis souvent étonné de ne presque jamais avoir été un souffre douleur). Jusqu'à ce que nous comprenions, bien des années après, qu'il n'y avait aucune gloire à tirer de notre détresse - qu'elle n'était que la marque honteuse de notre inadaptation à la vie.
Nous croyions connaître le monde, et méprisions ces faux rivaux avec l'assurance que "la vie allait les corriger". Mais l'inverse s'est produit; elle les a comblés de bienfaits: bonne situations, beaux/belles partenaires, joyeux enfants sages. Tandis que nous luttons toujours, par vent debout, louvoyant contre les évidences, dans l'unique espoir de leur ressembler.