lundi 29 octobre 2012

Alexandrie, premier siècle après Jésus-Christ

Tout commençait par une sorte de jeu à taille réelle inspiré du film Stargate, auquel nous jouions avec mes amis stambouliotes et ma mère (?). Puis je me trouvais à Alexandrie au premier siècle de notre ère; je dormais dans une pièce au rez-de-chaussée dont je cadenassais avec soin la porte. Toujours dans mon rêve, je lisais quelques pages de Wikipedia (!) qui me plongeaient dans une profonde tristesse. 
C'est alors que Della Rovere, habillée comme la Cléopâtre jouée par Liz Taylor, descendait d'un large escalier, venait vers moi, approchant son visage du mien, cherchait à me consoler en me demandant ce qui me tracassait. Je lui répondais: "Je suis triste de voir que les historiens du futur jugeront notre époque comme celle du déclin de l’Égypte, et qu'ils nous en tiendront responsables."
Drôle d'angoisse...

samedi 27 octobre 2012

Point de lendemain

Et ce rêve mille fois caressé d'une relation qui n'aurait pas de conséquence, "point de lendemain". Comme si une telle chose était possible! Comme si j'ignorais que toute relation avec un être vivant a forcément des conséquences - de même que le moindre battement dans l'air - sous certaines conditions - peut avoir des répercussions incalculables. Et que seuls les plaisirs solitaires ou ceux (semblables) de l'écriture n'ont pas de conséquence - tant que nous parviendrons à en préserver le secret, tant qu'ils s'opèreront aux heures creuses, dans le silence stérile d'une chambre vide, résultats d'une manipulation hâtive, aussitôt jetés dans quelque informe poubelle de la mémoire.

lundi 22 octobre 2012

Un avant-goût acide, et un arrière-goût amer

¡Comme j'allais à reculons vers cette soirée peu prometteuse, au point que même della Rovere me recommandait de faire demi-tour! La perspective de cette éclosion de femmes enceintes dans mon entourage, l'habituel small talk sur l'immobilier, les questions intrusives sur ce qu'il y a de nouveau à "raconter de beau"... On ne se rend pas compte de tout cela tant que l'on n'est pas devenu un homme de trente ans comme les autres - et il fallait bien que cela arrive!
La première heure fut telle qu'escomptée... Puis, comme se transforment parfois miraculeusement les situations dont nous n'attendions que vide et ennui, ou, ainsi que dans les contes, sous l'effet magique des douze coups de minuit, les citrouilles se transforment en carrosses, les crapaudes en princesses charmantes, je fus soudain projeté dans une toute autre soirée - une musique surgie d'un coin de la pièce, des guitaristes sur les canapés, une chanteuse américaine (?), un agréable vin portugais... Il faut dire que les femmes enceintes étaient parties se coucher, que les langues se déliaient, des souvenirs refaisaient surface, murmurés par d'anciens visages admirés que le temps n'a pas encore usés - une foule déjà présentée à mots couverts dans ces brèves.
Par exemple Puck*, me répétant qu'avec les années ses facultés d'apprentissage s'amoindrissaient (je soutenais le contraire*), qu'il lui suffisait autrefois de passer deux semaines dans un pays pour s'en approprier la langue, qu'il ne peut plus rien retenir. Nous étions certes de telles éponges! Mais nous nous essorions beaucoup aussi, pensai-je immédiatement, nous abandonnions rapidement nos maîtres après les avoir copiés sans discernement; nous manquions de consistance. Il nous serait tellement impossible, comme dans ce magnifique film récent, de "redoubler", de retourner dans les salles de classe. Car nous avons compris la valeur des choses, la valeur d'apprendre pour soi et non pour quelque examen futile. Nous avons appris à vivre.
Et tandis que j’échafaudais ces constructions précaires, je me rendais compte, également, que les anciennes angoisses ne m'ont jamais quitté, que je me pose toujours les mêmes questions, y apportant les mêmes réponses inconclusives. "Quelque choix que j'eusse fait à l'époque, il m'aurait mené au même désastre"; "Ce champagne avait un avant-goût acide, et un arrière-goût amer" - style de phrase où je cherchais quelque profondeur, l'expression d'une métaphore nouvelle... Puis une amie illumina les premières heures, évoquant le destin du Dominiquin, que ses activités professionnelles amènent à couvrir une vaste zone comprenant la Grèce, la Turquie, Chypre, le Liban et Israël - le Levant! où me portent rêves et projets!

dimanche 21 octobre 2012

Opt out

Tout le monde semble considérer avec scepticisme - et même, indifférence - les rumeurs venues d'outre-Manche relatives à un possible référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne. L'échéance se rapproche, 2015 peut-être? mais rien ne semble fait ni pour s'y préparer, ni pour chercher à en dissuader les Britanniques. En France, il est probable qu'une telle perspective est ressentie avec soulagement, avec ironie aussi, quand au même moment l’Écosse, par un curieux effet mimétique, envisage de se retirer d'une union tricentenaire avec l'Angleterre (2014).
Il n'y a pourtant pas de quoi sourire. Le retrait d'une des plus grandes nations d'Europe, d'un des piliers de notre civilisation, se fera durement sentir, et sera le signe d'un cruel échec, le début de la fin peut-être. Car jusqu'ici le projet européen était demeuré attirant - ou, à défaut, mieux valait y participer (sauf pour les quelques nations égoïstes et médiocres qui s'en étaient tenu éloignées). Pour les Britanniques, cela ne changera sans doute pas grand chose à très court terme. Mais c'est surtout pour les nations et institutions restantes qu'il faudra sérieusement s'inquiéter: voudra-t-on voir l'ensemble continuer à se déliter, ou faudra-t-il créer quelquechose de nouveau? Autour de qui?

dimanche 14 octobre 2012

"Absurdistan"

Feuilleté dans une librairie un bouquin intitulé Promotion Ubu Roi d'un certain Olivier Saby*. Ancien élève de l'ENA, il raconte les 24 mois qu'il y a passés ainsi que les périodes de stage, les absurdités du système, sa déception face à ses "camarades" et à l'administration en général, avec encore une fois le message purement négatif (et si facile!) que je viens d'évoquer. J'ai failli l'acheter, puis je me suis ravisé, préférant allouer mon temps, et surtout mon argent, à d'autres dépenses autrement plus enrichissantes.
Car, finalement, ma courte expérience des institutions publiques, des entreprises, du monde étudiant, de la vie même, m'incite à penser que tout peut faire l'objet d'un récit ubuesque, si l'on choisit de considérer les choses sous cet angle. Les intérêts sont si divers, les imprévus si nombreux, les choix si difficiles*! Les échelles de temps s'affrontent. Il n'y a aucun domaine où la décision rationnelle soit possible, pas même dans l'économie et la finance qui pourtant s'en flattent. Non qu'il faille se satisfaire du monde tel qu'il est, ou ne pas être indigné... Mais le champ de l'action n'est justement pas celui de la contemplation ironique et amusée.

Après la longue gestation de l'oubli

De Jean-Christophe Rufin (Le grand cœur*), cette phrase qui résume bien le processus littéraire, ou plus exactement le processus de la réminiscence poétique, de la deuxième naissance, la vraie: "Lorsque je me discipline à former des phrases, lorsque je me force à mettre de l'ordre dans ce que la vie a jeté pêle-mêle en moi, je ressens dans les doigts et dans l'esprit une douleur bien proche de la jouissance. Il me semble que je participe d'une façon nouvelle au laborieux accouchement par lequel ce qui est venu au monde y retourne, en forme d'écriture, après la longue gestation de l'oubli."

Pour le reste, il est vrai que la vie de Jacques Cœur est une des aventures les plus extraordinaires de l'histoire de France, et j'ai hâte de me reclure pendant quelques heures dans ce livre.

samedi 13 octobre 2012

No vale nada desde que...

Longue et pénible conversation il y a quelques semaines avec un indignado poussant la caricature dans ses arguments comme dans son physique, sur cette vieille question de l'Europe démocratique ou non... Tous les clichés y sont passés, et certes le système est infiniment perfectible - mais je crois que fondamentalement apparaissaient dans son quasi-monologue deux problèmes plus larges. 
Le premier est la crise de la démocratie participative - qui est un problème commun à la plupart des sociétés occidentales, devenu plus criant encore avec l'essor de la démocratie d'opinion véhiculée par Internet, avec la contradiction entre d'une part l'exigence de mobilité liée à la mondialisation, et d’autre part le nécessaire ancrage très local du monde politique. Aucune institution ne trouvait grâce à ses yeux (surtout pas les parlements nationaux considérés comme corrompus ou pour le moins douteux). 
Le deuxième est le problème spécifique et originel de l'Union: c'est l'absence d'un peuple européen. Peut-être que l'envie de solidarité était plus forte auparavant (j'en doute), et il est vrai que la crise économique a accru les tensions. Dans ce contexte, il apparaît difficile qu'une démocratie européenne surgisse du jour au lendemain. Peut-être à très long-terme, avec quelques mécanismes communs, avec des échanges humains et culturels plus importants... Bref, tout cela demeurait assez improductif.
 
Quand, au milieu de ce marasme, est survenue l'étrange décision de décerner le prix Nobel de la paix à l'Union européenne - une annonce qui a frappé le monde de stupeur (pour un court instant). Croisant de nouveau l'indignado, il se montra cette fois peu loquace et guère impressionné, car le prix Nobel "ne vaut plus rien depuis qu'il a été attribué au président américain [Barack Obama]"... 
Comment rendre ce sentiment d'impasse totale, dans les écrits les plus doctes comme au détour d'une conversation innocente? C'est sans doute ce même désespoir face à la marche du monde, la nécessité de sa destruction, qui a poussé Meyr au suicide*. Se souviendra-t-on même, dans vingt, dans cent ans, que les meilleurs esprits contemporains comme une partie de la jeunesse capitulaient devant l'absence de solutions, portant leurs regards sur des passés ou des futurs improbables, n'aspirant qu'à un anéantissement salutaire?

jeudi 11 octobre 2012

Mesure de rétorsion

Opportunité de retourner à Florence dans le cadre d'une conférence professionnelle - alors que, suite à mes mésaventures de l'automne dernier*, je m'étais juré de ne plus y remettre les pieds pour une durée indéterminée - par mesure de rétorsion... 
En lisant le courriel d'invitation, je me suis de nouveau imaginé là-bas, allant rendre visite aux mages de Gozzoli, découvrant le Bargello pour lequel le temps nous avait manqué, arpentant la campagne autour de Pienza - dont la beauté m'avait stupéfié lors d'un voyage assez antérieur -, déposant une fleur sur la tombe imaginaire du Florentin...
Je ne sais pas combien de temps durent mes anathèmes. La même sanction avait été prononcée contre Londres après ma rupture avec Irène Adler (qu'y avait-il pourtant à rompre?), et pendant deux ans je m'y étais tenu. Puis j'y suis retourné plusieurs fois, ensevelissant dans un pli profond de ma mémoire le souvenir même de la personne et des événements qui m'avaient fait maudire la cité.

mardi 9 octobre 2012

Une pièce qui l'intéresse infiniment

Voilà que je suis tombé dans le piège que je dénonce, lorsque je mêle le sentiment à l'Histoire, imaginant le désarroi de Casanova à la nouvelle de la chute de Venise... Car en relisant la préface de l'Histoire de ma vie, je me demande si Casanova n'a pas vu les choses tout autrement. 
S'il ne parle certes pas de façon explicite des événements qui secouent la France, l'Europe et l'Italie, ne peut-on pas en deviner l'empreinte quand il déclare que "la mort est un monstre qui chasse du grand théâtre un spectateur attentif avant qu'une pièce qui l'intéresse infiniment finisse"? Effectivement, quel dommage de mourir au milieu de révolutions si profondes, sans en connaître l'aboutissement (c'est en un sens ce que j'ai reproché à Meyr*, et une bonne raison de rester en vie de nos jours). Par ailleurs, rien ne prouve qu'il désapprouvait le cours des choses, lui qui avait tant éprouvé la contrainte du régime vénitien, lui qui rajoute in extremis, en évoquant les erreurs ayant mené au partage de la Pologne, que "Venise aujourd'hui n'existe plus que par sa honte éternelle", et qui s'exclame finalement "peut-on par exemple inventer rien de plus beau en matière de langue qu'ambulance, franciade, monarchien, sansculottisme? Vive la République. Il est impossible qu'un corps sans tête fasse des folies."


PS: "En 1821, j'avais beaucoup de peine à résister à la tentation de me brûler la cervelle. (...) Il me semble que ce fut la curiosité politique qui m'empêcha d'en finir; peut-être, sans que je m'en doute, fut-ce aussi la peur de me faire mal." - Stendhal, Souvenirs d'égotisme

jeudi 4 octobre 2012

Je n'ai pas d'autre ambition

Lecture de quelques extraits du journal de Gide, un des rares écrivains d'alors à avoir traversé les années sans trop de casse. Car il faut lui reconnaître le mérite de s'être gardé des idéologies, d'avoir su bien penser à une époque où il ne suffisait pas de professer quelques idées politiquement correctes pour exister comme intellectuel. Seules ses mœurs le condamneraient aujourd'hui à la délation sur les réseaux sociaux, à la bastonnade ou à la prison.
Et mon éloge ne s'arrête pas là, car je découvre dans ces pages l'essentiel de ce que j'ai pu tenter d'écrire ces dernières années, en infiniment mieux dit bien sûr. D'ailleurs j'invite le malheureux lecteur échoué sur ce site à changer de fenêtre, et à faire l'acquisition sans plus tarder de l'ouvrage, résumé ou intégral.

Quelques exemples:

1901: ... mes actes les plus beaux, ou du moins ceux qui m'apparurent tels, sont ceux dont la beauté m'a surpris. Et l'ivresse qu'alors je ressentais soudain m'emplissait de ce particulier vertige qui permettait l'oubli de soi, de cette force aussi qui m'eût rendu capable de tout faire. En ces instants, je sentais, comme malgré moi, mon être tout entier se tendre, se raidir, se durcir; je devenais mauvais contre moi-même et prenais joie à me traiter rudement. Parfois, convaincu que j'étais que toute action de moi tournerait toujours à la plus grande glorification de ma vie, je rêvai, presque par dépit, de m'abandonner à moi-même, de relâcher ma volonté, de me donner répit et loisir. Je ne le pus jamais, et compris que la contrainte était chez moi plus naturelle que ne l'est chez d'autres l'abandon au plaisir, que je n'étais pas libre de ne pas vouloir, de me détendre et de cesser de résister; et je compris du même coup que, de cette absence de liberté précisément, venait la beauté de mes actes.

1905. Dimanche. De retour à la maison, je m'esquinte à ranger des papiers et à faire ma malle. Elle est comme mes livres, comme la moindre de mes phrases, comme ma vie tout entière: j'y veux faire tenir trop de choses.

1911. Je me désole à penser que, plus tard, ma mémoire affaiblie ne saura me présenter ma sensation d'aujourd'hui, pourtant si vive, et que celle-ci, perdant toute netteté de contour, tout accent, ne m'apparaîtra plus que pareille à ces médailles dont s'est effacée l'effigie, hélas, frustes à présent, pareilles à toute autre médaille dont seul l'éclat du métal aminci indique encore qu'elle était précieuse.

1914. En mer Adriatique, 29 mai. Calme voluptueux de la chair, tranquille autant que cette mer sans rides. Équilibre parfait de l'esprit. Souple, égal, hardi, voluptueux, tel le vol à travers l'azur brillant de ces mouettes, l'essor libre de mes pensées.

Mais je note que Gide lui-même avait ses propres modèles. Ainsi écrit-il, en 1902, "Que plus tard, un jeune homme de mon âge et de ma valeur soit ému en me lisant comme je le suis encore à trente ans en lisant les Souvenirs d'égotisme de Stendhal, je n'ai pas d'autre ambition. Du moins me semble-t-il en les lisant." Abandonnons peut-être également Gide et remontons à la source, vers Stendhal où tout semble mener... Je dois avouer que je n'avais jamais pensé à lire ce livre.

Parc de la mairie du Vème

Rêve d'une conversation avec Charles Pasqua (le vrai*!), une sorte d'entretien d'embauche peut-être, qui se déroulait lors d'une après midi ensoleillée, dans le "parc de la mairie du Vème" (comme par hasard) qui s'avérait plutôt être une sorte de Musée Rodin un peu délabré. Je lui parlais de mes différentes expériences professionnelles, il me montrait ses badges d'accès au Sénat. Nous évoquions une possible collaboration ultérieure. Mais surtout, il me semble que nous avons longuement parlé de la vie politique française des trente dernières années...
Hélas, au réveil, il ne me restait pas même une bribe de ses (sans doute) très instructives paroles!

lundi 1 octobre 2012

Venise après Venise

Fini en peu de temps, grâce à un paisible dimanche ensoleillé, la somme de Frederic C. Lane sur l'histoire de Venise. Cette lecture est enrichissante, copieuse... Et pourtant je reste sur ma faim! Comme pour René Grousset (qui arrête son Épopée des Croisades en 1291) ou d'autres, je regrette qu'il n'y ait pas plus d'éléments sur Venise après sa chute. C'était tout l'intérêt du livre d'Eileen Power d'avoir su raconter la transition du Ve siècle, le fait que les contemporains n'avaient pas vraiment mesuré la fin de leur civilisation. Par exemple, qu'est-il advenu de cette orgueilleuse aristocratie vénitienne, de ces manufactures, des réseaux d'échanges?
Un peu d'histoire-fiction aurait été bienvenue: Venise aurait-elle pu rétablir ses institutions pendant ou après l'épisode napoléonien, dans le cadre d'un équilibre de puissances? Certes pas comme un empire maritime (car au temps des "nationalités", elle n'aurait pu maintenir sa domination sur les grecs, sur les slaves), mais comme une cité-état: après tout, ce n'est pas plus fantaisiste que la préservation jusqu'aujourd'hui de stupides territoires comme Monaco, Saint-Marin, le Liechtenstein. Venise aurait pu se démocratiser, et réinventer son fonctionnement économique: son site portuaire, quelques activités touristiques (comme elles s'amorçaient déjà au XVIIIe siècle), le jeu "à la Macao", un centre de finance offshore... La situation économique en 1797 n'était pas si piteuse: l'auteur sous-entend même que Venise avait su tirer parti des rivalités franco-anglaises liées à l'indépendance américaine, et était redevenue, à la faveur de la révolution française la principale force commerciale du Levant. Quant à la situation sociale, elle n'était pas plus sclérosée que dans le reste des États italiens, et aurait sans doute pu s'améliorer sans peine. Je ne crois pas aux mouvements inéluctables*. La décadence de Venise nous apparaît totale uniquement parce que nous connaissons la suite des événements.
De même la chute de Constantinople n'était sûrement pas inévitable. Les Grecs avaient la ressource d'une large population; ils auraient pu se ressaisir, comme ils l'avaient fait au VIIe et au XIe, quand l'empire était déjà sur le point de disparaître. Si Byzance n'avait pas eu le feu grégeois en 673, ou s'était effondrée face aux Seldjoukides après Mantzikert, nous (mais qui serions-"nous"?) conclurions sans doute à l'impossibilité qu'elle se maintienne pour plusieurs siècles.
Quant à Venise, c'est le même processus de périls gravissimes (la guerre de Chioggia) et d'éclatantes réinventions: par exemple la reconversion du prospère emporium en une puissance manufacturière, agricole et financière, entre le XIVe et le XVIe. Feuilletant l'Histoire de ma vie que j'avais un peu délaissée ces derniers temps*, j'espérais retrouver ce qu'en disait quelqu'un comme Casanova à l'approche des événements (jusqu'à ce que je me rende compte que le livre s'achève bien avant). L'écho a dû lui parvenir jusqu'au lointain château de Dux - puisqu'il est mort en 1798 - mais a-t-il seulement cru à l'écroulement irrémédiable de la République? Et si oui, quelle fin éprouvante... quel désastre, en effet: la risée de ces inférieurs inconnus, la lente montée de l'humidité et de la mort, le refuge dans un passé réenchanté - pour mieux mystifier les générations futures!