lundi 22 octobre 2012

Un avant-goût acide, et un arrière-goût amer

¡Comme j'allais à reculons vers cette soirée peu prometteuse, au point que même della Rovere me recommandait de faire demi-tour! La perspective de cette éclosion de femmes enceintes dans mon entourage, l'habituel small talk sur l'immobilier, les questions intrusives sur ce qu'il y a de nouveau à "raconter de beau"... On ne se rend pas compte de tout cela tant que l'on n'est pas devenu un homme de trente ans comme les autres - et il fallait bien que cela arrive!
La première heure fut telle qu'escomptée... Puis, comme se transforment parfois miraculeusement les situations dont nous n'attendions que vide et ennui, ou, ainsi que dans les contes, sous l'effet magique des douze coups de minuit, les citrouilles se transforment en carrosses, les crapaudes en princesses charmantes, je fus soudain projeté dans une toute autre soirée - une musique surgie d'un coin de la pièce, des guitaristes sur les canapés, une chanteuse américaine (?), un agréable vin portugais... Il faut dire que les femmes enceintes étaient parties se coucher, que les langues se déliaient, des souvenirs refaisaient surface, murmurés par d'anciens visages admirés que le temps n'a pas encore usés - une foule déjà présentée à mots couverts dans ces brèves.
Par exemple Puck*, me répétant qu'avec les années ses facultés d'apprentissage s'amoindrissaient (je soutenais le contraire*), qu'il lui suffisait autrefois de passer deux semaines dans un pays pour s'en approprier la langue, qu'il ne peut plus rien retenir. Nous étions certes de telles éponges! Mais nous nous essorions beaucoup aussi, pensai-je immédiatement, nous abandonnions rapidement nos maîtres après les avoir copiés sans discernement; nous manquions de consistance. Il nous serait tellement impossible, comme dans ce magnifique film récent, de "redoubler", de retourner dans les salles de classe. Car nous avons compris la valeur des choses, la valeur d'apprendre pour soi et non pour quelque examen futile. Nous avons appris à vivre.
Et tandis que j’échafaudais ces constructions précaires, je me rendais compte, également, que les anciennes angoisses ne m'ont jamais quitté, que je me pose toujours les mêmes questions, y apportant les mêmes réponses inconclusives. "Quelque choix que j'eusse fait à l'époque, il m'aurait mené au même désastre"; "Ce champagne avait un avant-goût acide, et un arrière-goût amer" - style de phrase où je cherchais quelque profondeur, l'expression d'une métaphore nouvelle... Puis une amie illumina les premières heures, évoquant le destin du Dominiquin, que ses activités professionnelles amènent à couvrir une vaste zone comprenant la Grèce, la Turquie, Chypre, le Liban et Israël - le Levant! où me portent rêves et projets!