Lecture de quelques extraits du journal de Gide, un des rares écrivains d'alors à avoir traversé les années sans trop de casse. Car il faut lui reconnaître le mérite de s'être gardé des idéologies, d'avoir su bien penser à une époque où il ne suffisait pas de professer quelques idées politiquement correctes pour exister comme intellectuel. Seules ses mœurs le condamneraient aujourd'hui à la délation sur les réseaux sociaux, à la bastonnade ou à la prison.
Et mon éloge ne s'arrête pas là, car je découvre dans ces pages l'essentiel de ce que j'ai pu tenter d'écrire ces dernières années, en infiniment mieux dit bien sûr. D'ailleurs j'invite le malheureux lecteur échoué sur ce site à changer de fenêtre, et à faire l'acquisition sans plus tarder de l'ouvrage, résumé ou intégral.
Et mon éloge ne s'arrête pas là, car je découvre dans ces pages l'essentiel de ce que j'ai pu tenter d'écrire ces dernières années, en infiniment mieux dit bien sûr. D'ailleurs j'invite le malheureux lecteur échoué sur ce site à changer de fenêtre, et à faire l'acquisition sans plus tarder de l'ouvrage, résumé ou intégral.
Quelques exemples:
1901: ... mes actes les plus beaux, ou du moins ceux qui m'apparurent tels, sont ceux dont la beauté m'a surpris. Et l'ivresse qu'alors je ressentais soudain m'emplissait de ce particulier vertige qui permettait l'oubli de soi, de cette force aussi qui m'eût rendu capable de tout faire. En ces instants, je sentais, comme malgré moi, mon être tout entier se tendre, se raidir, se durcir; je devenais mauvais contre moi-même et prenais joie à me traiter rudement. Parfois, convaincu que j'étais que toute action de moi tournerait toujours à la plus grande glorification de ma vie, je rêvai, presque par dépit, de m'abandonner à moi-même, de relâcher ma volonté, de me donner répit et loisir. Je ne le pus jamais, et compris que la contrainte était chez moi plus naturelle que ne l'est chez d'autres l'abandon au plaisir, que je n'étais pas libre de ne pas vouloir, de me détendre et de cesser de résister; et je compris du même coup que, de cette absence de liberté précisément, venait la beauté de mes actes.
1905. Dimanche. De retour à la maison, je m'esquinte à ranger des papiers et à faire ma malle. Elle est comme mes livres, comme la moindre de mes phrases, comme ma vie tout entière: j'y veux faire tenir trop de choses.
1911. Je me désole à penser que, plus tard, ma mémoire affaiblie ne saura me présenter ma sensation d'aujourd'hui, pourtant si vive, et que celle-ci, perdant toute netteté de contour, tout accent, ne m'apparaîtra plus que pareille à ces médailles dont s'est effacée l'effigie, hélas, frustes à présent, pareilles à toute autre médaille dont seul l'éclat du métal aminci indique encore qu'elle était précieuse.
1914. En mer Adriatique, 29 mai. Calme voluptueux de la chair, tranquille autant que cette mer sans rides. Équilibre parfait de l'esprit. Souple, égal, hardi, voluptueux, tel le vol à travers l'azur brillant de ces mouettes, l'essor libre de mes pensées.
Mais je note que Gide lui-même avait ses propres modèles. Ainsi écrit-il, en 1902, "Que plus tard, un jeune homme de mon âge et de ma valeur soit ému en me lisant comme je le suis encore à trente ans en lisant les Souvenirs d'égotisme de Stendhal, je n'ai pas d'autre ambition. Du moins me semble-t-il en les lisant." Abandonnons peut-être également Gide et remontons à la source, vers Stendhal où tout semble mener... Je dois avouer que je n'avais jamais pensé à lire ce livre.