Longue et pénible conversation il y a quelques semaines avec un indignado poussant la caricature dans ses arguments comme dans son physique, sur cette vieille question de l'Europe démocratique ou non... Tous les clichés y sont passés, et certes le système est infiniment perfectible - mais je crois que fondamentalement apparaissaient dans son quasi-monologue deux problèmes plus larges.
Le premier est la crise de la démocratie participative - qui est un problème commun à la plupart des sociétés occidentales, devenu plus criant encore avec l'essor de la démocratie d'opinion véhiculée par Internet, avec la contradiction entre d'une part l'exigence de mobilité liée à la mondialisation, et d’autre part le nécessaire ancrage très local du monde politique. Aucune institution ne trouvait grâce à ses yeux (surtout pas les parlements nationaux considérés comme corrompus ou pour le moins douteux).
Le deuxième est le problème spécifique et originel de l'Union: c'est l'absence d'un peuple européen. Peut-être que l'envie de solidarité était plus forte auparavant (j'en doute), et il est vrai que la crise économique a accru les tensions. Dans ce contexte, il apparaît difficile qu'une démocratie européenne surgisse du jour au lendemain. Peut-être à très long-terme, avec quelques mécanismes communs, avec des échanges humains et culturels plus importants... Bref, tout cela demeurait assez improductif.
Quand, au milieu de ce marasme, est survenue l'étrange décision de décerner le prix Nobel de la paix à l'Union européenne - une annonce qui a frappé le monde de stupeur (pour un court instant). Croisant de nouveau l'indignado, il se montra cette fois peu loquace et guère impressionné, car le prix Nobel "ne vaut plus rien depuis qu'il a été attribué au président américain [Barack Obama]"...
Comment rendre ce sentiment d'impasse totale, dans les écrits les plus doctes comme au détour d'une conversation innocente? C'est sans doute ce même désespoir face à la marche du monde, la nécessité de sa destruction, qui a poussé Meyr au suicide*. Se souviendra-t-on même, dans vingt, dans cent ans, que les meilleurs esprits contemporains comme une partie de la jeunesse capitulaient devant l'absence de solutions, portant leurs regards sur des passés ou des futurs improbables, n'aspirant qu'à un anéantissement salutaire?
Comment rendre ce sentiment d'impasse totale, dans les écrits les plus doctes comme au détour d'une conversation innocente? C'est sans doute ce même désespoir face à la marche du monde, la nécessité de sa destruction, qui a poussé Meyr au suicide*. Se souviendra-t-on même, dans vingt, dans cent ans, que les meilleurs esprits contemporains comme une partie de la jeunesse capitulaient devant l'absence de solutions, portant leurs regards sur des passés ou des futurs improbables, n'aspirant qu'à un anéantissement salutaire?