mardi 9 octobre 2012

Une pièce qui l'intéresse infiniment

Voilà que je suis tombé dans le piège que je dénonce, lorsque je mêle le sentiment à l'Histoire, imaginant le désarroi de Casanova à la nouvelle de la chute de Venise... Car en relisant la préface de l'Histoire de ma vie, je me demande si Casanova n'a pas vu les choses tout autrement. 
S'il ne parle certes pas de façon explicite des événements qui secouent la France, l'Europe et l'Italie, ne peut-on pas en deviner l'empreinte quand il déclare que "la mort est un monstre qui chasse du grand théâtre un spectateur attentif avant qu'une pièce qui l'intéresse infiniment finisse"? Effectivement, quel dommage de mourir au milieu de révolutions si profondes, sans en connaître l'aboutissement (c'est en un sens ce que j'ai reproché à Meyr*, et une bonne raison de rester en vie de nos jours). Par ailleurs, rien ne prouve qu'il désapprouvait le cours des choses, lui qui avait tant éprouvé la contrainte du régime vénitien, lui qui rajoute in extremis, en évoquant les erreurs ayant mené au partage de la Pologne, que "Venise aujourd'hui n'existe plus que par sa honte éternelle", et qui s'exclame finalement "peut-on par exemple inventer rien de plus beau en matière de langue qu'ambulance, franciade, monarchien, sansculottisme? Vive la République. Il est impossible qu'un corps sans tête fasse des folies."


PS: "En 1821, j'avais beaucoup de peine à résister à la tentation de me brûler la cervelle. (...) Il me semble que ce fut la curiosité politique qui m'empêcha d'en finir; peut-être, sans que je m'en doute, fut-ce aussi la peur de me faire mal." - Stendhal, Souvenirs d'égotisme