Mon amie "parisienne nomade" me parle d'un jeune homme de sa connaissance "qui est entré dans la diplomatie quand il s'est rendu compte qu'il ne serait pas Proust." C'est un constat honnête sans doute, mais il ne sera pas Claudel non plus ni Saint-John Perse. Il va falloir faire avec, ou plutôt sans.*
Kurz und Schnell zu lesen - Prologue - Le Monde - La Cité - L'Homme - Les Mots - Les Rêves - Epilogue
vendredi 31 janvier 2014
jeudi 30 janvier 2014
Un frisson de mort
La lecture d'une page de blog dont je n'arrive pas à retrouver le lien m'a laissé songeur toute la semaine. L'auteur qui doit avoir la soixantaine y raconte sa solitude, un été passé dans une maison de campagne à faire du jardinage, à lire, à se promener, à regretter de ne pas être deux...
Il se demande pourquoi en temps de crise personne n'a envie de venir s'abriter chez lui un an ou deux, et profiter d'une compagnie agréable; il envisage de se lancer dans les sites de rencontre (sans succès), dans le sexe tarifé (sans parvenir à s'y résoudre), il ne comprend pas que la jeunesse s'enfuie alors qu'autrefois (prétend-il) un homme expérimenté avait quelque attrait. Une relation avec quelqu'un de sa génération ne l'intéresse pas du tout (ce serait pourtant la solution à son problème...); le "vécu" lui semble plutôt repoussant (sauf le sien...), et dans l’évocation de l’amour, oui, jusque là ! il sent encore passer un frisson de mort.*
*
J'ignore si mes actes et mes choix me mèneront à un tel marasme, quand bien même je fais tout pour l'esquiver... L'avenir me semble un banquier fantaisiste, inscrivant à notre insu pertes et profits, nous les rappelant un jour sans préavis ni délai de remboursement, et prospérant dans l'intervalle sur tous les rêves à peine formulés.
dimanche 26 janvier 2014
L'expérience de Frédéric II
Dans un genre que j'ai récemment critiqué, pastiche vaguement inspiré par la Chronique de Salimbene de Adam. Je voulais en parler depuis longtemps mais l'occasion est bonne, ayant passé la nuit comme enfermé dans un tonneau, incapable pourtant du moindre cri.
"On fit venir le condamné devant Frédéric. Après lecture de la sentence, on l’enferma dans un tonneau dont les jointures furent soigneusement scellées, et que l'on fit peser. Puis on attendit le trépas.
Des heures durant, l'empereur et sa cour demeurèrent impassibles.
On entendit enfin un grand cri. Et quand le silence et l'immobilité du tonneau furent confirmés, on procéda à une nouvelle pesée.
Des heures durant, l'empereur et sa cour demeurèrent impassibles.
On entendit enfin un grand cri. Et quand le silence et l'immobilité du tonneau furent confirmés, on procéda à une nouvelle pesée.
- Voilà qu'il est mort, déclara l'empereur, et son âme est morte comme son corps - aurait-elle existé, se serait-elle échappée, le poids du tonneau n'aurait pu demeurer identique.
- Voilà qu'il est mort certes, lui répondit l’archevêque de Palerme, mais ton expérience n'a servi à rien. Croyais-tu pouvoir emprisonner pour toujours l'âme de ce pauvre homme? Elle est partie depuis longtemps, et nous avons tous reçu la preuve de sa fuite quand le cri a retenti parmi nous - car ce cri que nous ne pourrons jamais oublier, qui s'est échappé des limites que tu lui avais astreintes, qui survivra dans les siècles quand sera dissipée la gloire de ton règne, était son âme."
La vie linéaire
Mal dormi - sans doute avais-je trop bu - et je me tournais, je me retournais, gênant sans doute Della Rovere dans son sommeil habituellement léger. J'ignore à quel moment a commencé le rêve, ni même s'il s'agissait d'un rêve. J'avais la sensation que ma vie n'avait que "deux dimensions", comme si elle avait été écrasée sur une feuille de papier, comme si elle ne se résumait plus qu'aux maigres faits de mon CV et aux actions du quotidien. J'étais comme le héros d'un roman mal écrit, dont l'auteur n'aurait pas cherché à comprendre les souvenirs, les pensées ni les désirs. N'est-ce pas ainsi que nous apparaissons inévitablement à notre prochain, que j'apparais à force de cacher mes intérêts, à force de me tenir en retrait de tout?
Et maintenant, je vois que cela commence à me nuire: je suis devenu un "individu statistique", et ma compagnie n'a plus aucun attrait. Ces journées vides de janvier me ressemblent, ces nuits sans amour, sans désirs. Je repense aux allées infinies de Versailles, le long desquelles traînait le pas d'un pauvre homme, aux arbres dénudés, presque morts, à peine confiants dans l'espoir du printemps*. Mon "enthousiasme" a atteint ses étroites limites.
mercredi 22 janvier 2014
Origines
Ai commencé puis rapidement enchaîné les chapitres des Origines* d'Amin Maalouf, un livre emprunté à la bibliothèque de mon grand-père lors de cette journée d'automne où nous nous sommes curieusement retrouvés à mener la même activité: vider les lieux que nous n'habiterons plus.
J'avais trouvé dans le fond d'un placard deux grandes photographies de mes arrière-grands-parents, dont l'élégance et la beauté m'avaient frappé (je les mettrai en ligne quand ce blog sera devenu quelque chose de plus officiel). A la réflexion toutefois, cette élégance me paraît suspecte: j'imagine qu'au début des années 1920 on devait s’habiller spécialement pour aller chez le photographe, et peut-être ces habits étaient-ils simplement prêtés pour l'occasion?
De plus ma mère, à qui je montrai leurs visages quelques semaines plus tard, me dit qu'ils étaient vendeurs sur les marchés (une information que l'on ne m'avait jamais donnée, mais dont je ne m'étais jamais soucié non plus), gens simples pour lesquels cette photographie avaient dû constituer un événement important, lié sans doute à leur mariage ou à leurs fiançailles.
Et je me suis demandé si la pudeur qui entourait notre ascendance, le complet désintérêt pour cette question, ne venait pas de ces origines modestes que par "bienséance" l'on préférait taire... Comparaison n'est pas raison, mais chez Amin Maalouf aussi les origines sont obscures, les souvenirs imprécis; et chez lui aussi les descendances se perdent dans le vaste monde, ignorantes et libres, ne conservant que des patronymes devenus illisibles...
dimanche 19 janvier 2014
Le voyage en Inde de Tante Roberte
Lisant ce livre sur l'époque coloniale, je me suis souvenu d'un jeu de "sept familles" très ancien, déniché autrefois chez mes grands-parents et qui représentait des contrées disparues, Siam, Haute-Volta, Côte-de-l'Or, Indochine, scènes de chasse au tigre ou au lion, traversées en pirogues, temples dissimulés derrière les lianes et les banians...
Sans doute parce que je l'avais ces cartes mystérieuses en main lorsqu'elle m'avait pris sur ses genoux, "Tante Roberte" (une des nombreuses sœurs de ma grand-mère paternelle) m'avait demandé si j'aimais les voyages. Je dus acquiescer avec enthousiasme car elle posa sa main sur moi gravement, et me fit la merveilleuse promesse de m'emmener avec elle "aux Indes"... C'était avant la mondialisation, avant Internet, et dans mon imaginaire d'alors cette aventure me sembla quelque chose d'extraordinaire, une traversée à dos d'éléphant le long du Brahmapoutre, Tante Roberte en habits blancs et ombrelle, dans la forêt tropicale, dans les allées reconstruites d'un mausolée, dans la lumière poudreuse du matin, sous une lune bleue, guidés par le Maharadjah de Rawhajpoutalah et le Livre de la Jungle dont j'écoutais à l'époque inlassablement le "33 tours"... L'élégance de Tante Roberte me l'avait fait considérer comme une sorte de millionnaire capable de telles extravagances, et sa proposition me parut donc tout à fait sérieuse - d'autant que mes parents à qui je demandai rapidement l'autorisation ne semblèrent pas s'y opposer (m'avaient-ils au moins entendu? ou avaient-ils préféré différer le moment de la déception?). Il ne restait plus qu'à choisir la date.
Sans doute parce que je l'avais ces cartes mystérieuses en main lorsqu'elle m'avait pris sur ses genoux, "Tante Roberte" (une des nombreuses sœurs de ma grand-mère paternelle) m'avait demandé si j'aimais les voyages. Je dus acquiescer avec enthousiasme car elle posa sa main sur moi gravement, et me fit la merveilleuse promesse de m'emmener avec elle "aux Indes"... C'était avant la mondialisation, avant Internet, et dans mon imaginaire d'alors cette aventure me sembla quelque chose d'extraordinaire, une traversée à dos d'éléphant le long du Brahmapoutre, Tante Roberte en habits blancs et ombrelle, dans la forêt tropicale, dans les allées reconstruites d'un mausolée, dans la lumière poudreuse du matin, sous une lune bleue, guidés par le Maharadjah de Rawhajpoutalah et le Livre de la Jungle dont j'écoutais à l'époque inlassablement le "33 tours"... L'élégance de Tante Roberte me l'avait fait considérer comme une sorte de millionnaire capable de telles extravagances, et sa proposition me parut donc tout à fait sérieuse - d'autant que mes parents à qui je demandai rapidement l'autorisation ne semblèrent pas s'y opposer (m'avaient-ils au moins entendu? ou avaient-ils préféré différer le moment de la déception?). Il ne restait plus qu'à choisir la date.

*
Sans doute n'avait-elle jamais envisagé de m'emmener en Inde, mais je ne lui en tiens plus rigueur. Si nous y étions allés, le rêve se serait brisé contre la réalité; nous aurions eu l'air bien malins, avec la vieille dame désorientée dans les rickshaws et la pollution de Delhi, touristes en proie aux arnaques et aux microbes... Comment lui en voudrais-je? Elle est décédée il y a plus de dix ans; personne ne fera jamais ce voyage. Mais en trahissant sa parole elle a préservé pour moi les trésors que sa promesse recelait, quand bien même je mettrais un jour les pieds en Inde, l'image impérissable et fastueuse de cette Inde-là.
dimanche 12 janvier 2014
Çamlıca
Je me promenais sur la rive asiatique du Bosphore, le long d'une route ombragée, presque campagnarde, sans voiture (!) - qui à la réflexion ressemblait plutôt à la merveilleuse route circulaire de Büyükada. Je me faisait doubler par un homme dont je ne voyais que le dos, qui effectuait un voyage autour du monde sur une sorte de "paddle" à roulette; je décidais de le suivre, conduisant mon paddle dans les virages de la route, observant de temps en temps le Bosphore devenu plus étroit, la rive opposée... Nous approchions d'un endroit plus densément peuplé, en vue de la colline de Çamlıca quand - patatrac! - le chat fit tomber la souris*. Je me réveillai en sursaut, craignant qu'un objet de plus grande valeur n'ait été brisé. (Comme j'en ai voulu au chat d'avoir interrompu ce rêve! Mais sans la chute bruyante de la souris, m'en serais-je seulement souvenu?)
*

*souris, au sens informaticien du mot, une souris "à la dent bleue" qui se promenait sans fil, dangereusement, sur le rebord de la table. J'ignore à qui l'on doit cette trouvaille de vocabulaire, mais c'était assurément un génie puisque même les chats s'y trompent!
samedi 4 janvier 2014
L'usage de la virgule
Pour les besoins d'une citation je suis tombé sur un article de blog qui commente l'usage de la virgule chez les grands auteurs comme les moins grands. Je sais que je fais un usage trop fréquent de la parenthèse (mais elle est si pratique dans ces textes brefs - si irrésistible!), du tiret et du point-virgule; toutefois, je ne m'étais jamais posé la question de la virgule ou, pour le formuler autrement, j'avais eu une approche trop "allemande" de la virgule - à savoir: j'avais considéré que la virgule devait être ajoutée automatiquement pour séparer des propositions subordonnées ("ich weiß nicht, was soll es bedeuten...") ou une suite de trois, quatre, ou cinq mots.
Il faudra que je songe à relire les brèves et le reste à la lumière de cet enseignement.
vendredi 3 janvier 2014
Peintures et ornements
2013 n'a pas été une année aussi perdue qu'elle menaçait de l'être, puisque j'ai pu mener à bien le projet que je portais depuis si longtemps (et d'autres)! Espérons que ce ne sera pas une impasse aussi condamnée que le précédent projet ou que ce projet encore plus ancien (heureusement abandonné à mi-parcours) dont j'ai retrouvé une bribe dernièrement:
"... trois fois plus nombreux, mais en contrebas - et Moreiro put constater que l'effet de surprise avait fonctionné. Il fit sonner les trompes, leva haut son épée, cette épée de son père qui lui avait valu tant de victoires [!]. A cheval, il pouvait être vu de tous ses hommes. Un puissant cri s'éleva du champ de bataille, et ils marchèrent d'un pas décidé, prêts à affronter leur adversaires. Meyr, toujours juché sur son âne, avançait aussi. Ils arrivèrent bientôt..."

J'imagine que cette page avait été arrachée justement parce qu'elle me déplaisait, et a dû être remplacée par une version moins grandiloquente (du moins je l'espère). La feuille avait servi à noter cette citation du Jardin sur l'Oronte*: "car le poète l'a dit : « La cage a beau être couverte de peintures et d'ornements, l'oiseau cherche des yeux une ouverture ! »." Tout un programme pour 2014!
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