dimanche 26 janvier 2014

La vie linéaire

Mal dormi - sans doute avais-je trop bu - et je me tournais, je me retournais, gênant sans doute Della Rovere dans son sommeil habituellement léger. J'ignore à quel moment a commencé le rêve, ni même s'il s'agissait d'un rêve. J'avais la sensation que ma vie n'avait que "deux dimensions", comme si elle avait été écrasée sur une feuille de papier, comme si elle ne se résumait plus qu'aux maigres faits de mon CV et aux actions du quotidien. J'étais comme le héros d'un roman mal écrit, dont l'auteur n'aurait pas cherché à comprendre les souvenirs, les pensées ni les désirs. N'est-ce pas ainsi que nous apparaissons inévitablement à notre prochain, que j'apparais à force de cacher mes intérêts, à force de me tenir en retrait de tout?
Et maintenant, je vois que cela commence à me nuire: je suis devenu un "individu statistique", et ma compagnie n'a plus aucun attrait. Ces journées vides de janvier me ressemblent, ces nuits sans amour, sans désirs. Je repense aux allées infinies de Versailles, le long desquelles traînait le pas d'un pauvre homme, aux arbres dénudés, presque morts, à peine confiants dans l'espoir du printemps*. Mon "enthousiasme" a atteint ses étroites limites.