dimanche 12 janvier 2014

Çamlıca

Je me promenais sur la rive asiatique du Bosphore, le long d'une route ombragée, presque campagnarde, sans voiture (!) - qui à la réflexion ressemblait plutôt à la merveilleuse route circulaire de Büyükada. Je me faisait doubler par un homme dont je ne voyais que le dos, qui effectuait un voyage autour du monde sur une sorte de "paddle" à roulette; je décidais de le suivre, conduisant mon paddle dans les virages de la route, observant de temps en temps le Bosphore devenu plus étroit, la rive opposée... Nous approchions d'un endroit plus densément peuplé, en vue de la colline de Çamlıca quand - patatrac! - le chat fit tomber la souris*. Je me réveillai en sursaut, craignant qu'un objet de plus grande valeur n'ait été brisé. (Comme j'en ai voulu au chat d'avoir interrompu ce rêve! Mais sans la chute bruyante de la souris, m'en serais-je seulement souvenu?)

*

Je repense à cette affaire de Çamlıca (tout le rêve a dû venir d'un article récent que j'avais lu la veille avant de me coucher - sur le projet d'une mosquée géante sur le plus haut point d'Istanbul): on déplore que le paysage sera défiguré, mais, pour être honnête, il l'est déjà par les affreuses antennes de télévision qui font ressembler la colline à un hérisson blessé... Quant à construire une mosquée... pourquoi pas? mais pourquoi? Il y a déjà dans cette ville une surabondance de mosquées où personne ne va, pas plus que dans les centres commerciaux démesurés également favorisés par les autorités. Toutefois, contrairement aux autres projets (second Bosphore, troisième aéroport, troisième pont), on ne peut émettre un jugement en termes d'opportunité/coût: c'est un symbole. On peut davantage critiquer le style néo-ottoman clinquant qui a été choisi, une espèce de fausse Mosquée bleue en béton, comme s'il ne pouvait y avoir d'autre architecture plus moderne, plus convaincante, et plus digne d'un pays qui se pique d'être un phare pour le monde musulman contemporain - quelle occasion manquée (une de plus)!



*souris, au sens informaticien du mot, une souris "à la dent bleue" qui se promenait sans fil, dangereusement, sur le rebord de la table. J'ignore à qui l'on doit cette trouvaille de vocabulaire, mais c'était assurément un génie puisque même les chats s'y trompent!