À la pensée de ces
cycles de sept ans, effaré par les catastrophes dans lesquelles je me suis engouffré, j'avais laissé là mon ordinateur, mon appartement, et j'étais parti marcher, tant que le jour le permettait, dans les parcs immenses qui bordent la ville. Je songeais à mon échec. Qu'espérais-je? Le chemin de l'écriture est barré: je n'ai rien écrit depuis sept ans, et la relecture des quelques pages récentes du GRMF ne m'impressionne guère... Quant à mes affaires avec Della Rovere: une impasse, par ma faute! du fait de ma stupide réaction dans ce restaurant de
Florence où, au lieu d'être (pour une fois) authentique, j'aurais mieux fait d'adopter une posture de confiance rassurante. Toutes les autres voies sont inattrayantes, piteux marécages, ou boulevards trop fréquentés... (il ne devrait pourtant y avoir là aucune surprise - car je sais bien que, depuis toujours, je n'ai conçu ma vie que passivement, dans la conviction qu'elle s'achèverait dans le marasme, dans le suicide, le
"recrachat de la vie" (ainsi que Paul Toussaint
commençait son témoignage)).
Tout m'était devenu indifférent.
Cependant, une fois de plus je me trompe peut-être... Par exemple, je crains la fin des relations avec Della Rovere comme une précipitation dans une solitude stérile et mortelle, et, en même temps, je l'espère, comme une libération... Mais ces objectifs et désirs mouvants sont-ils un drame, ou bien le lot de tout couple durable, pour qui accepte de se remettre en question? Revenons aussi à l'écriture: au lieu de poèmes ou d'informes histoires sur les amours de pseudo-comtesses ou comédiens, ne faudrait-il pas envisager autre chose, d'à la fois plus léger (car moins personnel) et plus profond, plus réel - peut-être que ma mission est finalement, ailleurs, par exemple de témoigner de ce qu'était mon époque, de ce qu'était l'Europe? À quoi bon aurais-je écrit pendant sept ans, si ç'avait été pour des histoires inutiles dont aucun éditeur, aucun lecteur (à l'image de ce blog peu fréquenté) n'aurait voulu!
Après tout, je me vois parfois comme une personnalité ancienne, indifférente aux modes de son temps, mais c'est encore une auto-tromperie. Je suis semblable à tous les membres de cette "génération Y", à qui on a promis le zapping et la multiplicité des existences, des expériences - et qui soudainement se trouvent face au vertige de la réalité. Comme eux, j'ai conçu ma vie avec fantaisie, résistant à ma nature, immodérément confiant en l'avenir, convaincu de grands desseins, d'ambitions pour lesquelles je n'ai pas suffisamment travaillé, ni suffisamment bataillé - et maintenant je me lamente, je hurle, je pleurniche devant la découverte que tout le monde a faite avant moi, devant la révélation qu'il n'y a qu'une vie, qu'un seul cycle, et non l'éventail chatoyant des cycles de sept ans!