jeudi 29 mars 2012

Humaniste et occidental... (2)

Cette affaire Mohamed Merah me fait presque regretter mon post sur Ben Laden (où je m'offusquais qu'on se réjouît de sa mort plutôt que de son jugement). De quel droit me suis-je mêlé de ces questions? Et cette attitude de "grande conscience humaniste" indignée ne me ressemble pas, me fait honte!
L'homme ne s'est pas rendu sans combattre, et des vies militaires auraient pu y être perdues. Qu'attendre, par ailleurs, d'un procès qui n'aurait été pour lui qu'une tribune pour proférer ses stupidités? Et après tout, "who cares?"

mardi 27 mars 2012

Boijmans Van Beuningen (1)



Bien que je ne sois légitime ni sur ce sujet ni sur cent autres, je me permets d'exprimer mon désaccord avec la notice du musée qui indique quelquechose comme "les bateaux sont à peine visibles, les hommes sont comme des fourmis: l'ambition humaine est vouée à l'échec". Je n'entrevois dans ce tableau aucun signe d'un échec prochain (je n'en dirais pas autant de la version du Kunsthistorisches Museum, où la construction bizarroïde semble promise à un effondrement inévitable), mais au contraire m'apparaît la réussite éclatante de l'entreprise humaine, qui dépasse les nuages. Les pierres s'accumulent, les grues transportent les éléments de palier en palier, les charrettes remontent la longue rampe hélicoïdale... Et quel magnifique symbole dans cette ville extraordinaire, moderne, intégrée dans la mondialisation*, avec ses navires à quai, ses hautes tours à l'embouchure du fleuve.
"Tel est le début de leurs entreprises! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux." (Gn 11 6)

*: comme cela change de toutes ces pénibles villes-musées où s'entassent les groupes de touristes!

dimanche 25 mars 2012

Boijmans Van Beuningen (2)

"Il se détourne de sa propre image", me suis-je dit à première vue, ayant en mémoire mes rêveries tragiques d'il y a quelques jours. Erreur! pourtant, car le tableau nous raconte une histoire opposée, plus précise et plus cruelle...
Il nous raconte qu'un homme a revêtu son costume neuf, peigné ses cheveux avec soin, puis, avant d'affronter la vie extérieure, a planté ses yeux dans le miroir (pour s'y admirer une dernière fois - ou alors, saisi par le doute, pour s'assurer d'une hypothétique beauté - ou au moins pour vérifier que tout "était en ordre"), mais que son image, nullement impressionnée, peut-être même dégoutée de ce qu'elle avait vu, lui a tourné le dos. Elle lui a refusé la facile consolation des apparences, la rassurante certitude de la vie qui passe.
Et tandis que, stupidement figé, il s'efforce encore de chercher un reflet dans cette glace ennemie, il est en train de deviner qu'il ne pourra plus jamais se reposer sur de paisibles façades, qu'il ne connaîtra plus que les envers sans illusions, l'intranquillité, la détestation de soi!

dimanche 18 mars 2012

Cycle de sept ans (2)

À la pensée de ces cycles de sept ans, effaré par les catastrophes dans lesquelles je me suis engouffré, j'avais laissé là mon ordinateur, mon appartement, et j'étais parti marcher, tant que le jour le permettait, dans les parcs immenses qui bordent la ville. Je songeais à mon échec. Qu'espérais-je? Le chemin de l'écriture est barré: je n'ai rien écrit depuis sept ans, et la relecture des quelques pages récentes du GRMF ne m'impressionne guère... Quant à mes affaires avec Della Rovere: une impasse, par ma faute! du fait de ma stupide réaction dans ce restaurant de Florence où, au lieu d'être (pour une fois) authentique, j'aurais mieux fait d'adopter une posture de confiance rassurante. Toutes les autres voies sont inattrayantes, piteux marécages, ou boulevards trop fréquentés... (il ne devrait pourtant y avoir là aucune surprise - car je sais bien que, depuis toujours, je n'ai conçu ma vie que passivement, dans la conviction qu'elle s'achèverait dans le marasme, dans le suicide, le "recrachat de la vie" (ainsi que Paul Toussaint commençait son témoignage)).
Tout m'était devenu indifférent.

Cependant, une fois de plus je me trompe peut-être... Par exemple, je crains la fin des relations avec Della Rovere comme une précipitation dans une solitude stérile et mortelle, et, en même temps, je l'espère, comme une libération... Mais ces objectifs et désirs mouvants sont-ils un drame, ou bien le lot de tout couple durable, pour qui accepte de se remettre en question? Revenons aussi à l'écriture: au lieu de poèmes ou d'informes histoires sur les amours de pseudo-comtesses ou comédiens, ne faudrait-il pas envisager autre chose, d'à la fois plus léger (car moins personnel) et plus profond, plus réel - peut-être que ma mission est finalement, ailleurs, par exemple de témoigner de ce qu'était mon époque, de ce qu'était l'Europe? À quoi bon aurais-je écrit pendant sept ans, si ç'avait été pour des histoires inutiles dont aucun éditeur, aucun lecteur (à l'image de ce blog peu fréquenté) n'aurait voulu!
Après tout, je me vois parfois comme une personnalité ancienne, indifférente aux modes de son temps, mais c'est encore une auto-tromperie. Je suis semblable à tous les membres de cette "génération Y", à qui on a promis le zapping et la multiplicité des existences, des expériences - et qui soudainement se trouvent face au vertige de la réalité. Comme eux, j'ai conçu ma vie avec fantaisie, résistant à ma nature, immodérément confiant en l'avenir, convaincu de grands desseins, d'ambitions pour lesquelles je n'ai pas suffisamment travaillé, ni suffisamment bataillé - et maintenant je me lamente, je hurle, je pleurniche devant la découverte que tout le monde a faite avant moi, devant la révélation qu'il n'y a qu'une vie, qu'un seul cycle, et non l'éventail chatoyant des cycles de sept ans!


Cycle de sept ans

Je me remets difficilement d'une "prise de hauteur" à 3226m. Comme d'habitude, à partir de quelques événements isolés, de quelques bastilles détruites, je rêve de révolutions totales, quitte à rejeter aussi la stabilité, la sérénité, qui m'ont rendu ces années finalement heureuses, à défaut d'un plein épanouissement personnel (mais un tel épanouissement est-il possible, dans quelques circonstances que ce soient?). Me reviennent également en mémoire ces cycles de sept ans (où en ai-je déjà parlé?), par lesquels j'avais envisagé ma vie. Après le cycle 1999-2006, le cycle 2006-2013, relativement bien couvert par ces Brèves. 
Il faut donc songer au changement...

dimanche 4 mars 2012

Commentaire de Vendanges tardives

Par "vendanges tardives", je rapportais à ces raisins que l'on laisse pourrir sur leur pied (une noble pourriture!), et que l'on vient arracher longtemps après, quand l'hiver approche, afin d'y recueillir des sucres inattendus...
Toutefois, pour être exact, il faudrait davantage comparer ces souvenirs à un vin très ancien que l'on a laissé maturer dans les profondeurs d'une cave oubliée, puis ressorti le moment venu, et dont on admire lentement, presque amoureusement, la robe, le nez, la bouche.

samedi 3 mars 2012

Vendanges tardives

La musique qui me revenait en tête ce matin... je l'ai reconnue! C'était la musique de la carriole Aygaz, qui arpentait les ruelles escarpées de Galata pour vendre quelque bonbonnes aux ménagères des étages, me réveillant, et rythmant les journées aussi régulièrement que l'appel du muezzin fatigué, en contrebas de notre immeuble. Cet appel que j'ai si souvent entendu, étudié... Le chant du vieil homme ne débutait que tardivement - sans doute lui fallait-il un temps pour, après avoir entendu la première mosquée voisine, se lever et marcher jusqu'au poste, allumer l'appareil (heureusement pour lui que nous n'étions plus à l'époque des escaliers en colimaçons qu'il fallait monter à la hâte)? Les voix de la ville dévalaient depuis longtemps les collines, si bien qu'au lieu d'un mouvement jaillissant et spontané, l'appel à la prière me faisait l'effet de se faufiler progressivement, quartier par quartier à travers Istanbul, jusqu'à moi. Puis, comme notre minaret était aussi le dernier à émettre, tout s'interrompait brusquement dans un dernier crachotement du micro, laissant place à un silence ébahi, que reconquéraient les voix de la ville, les klaxons, la radio du voisin, et les sirènes des bateaux qui croisaient sur le Bosphore.
Et je repense à cette musique publicitaire d'Aygaz (il faudra retrouver d'où elle vient) avec une nostalgie bienveillante - non pas les habituels regrets dont est constitué ce blog, mais la joie sereine d'avoir fait, d'avoir bien fait, d'avoir vécu des instants qui méritaient d'exister.
Nous aussi, nous méritions d'exister.