mercredi 4 juillet 2012

Quintette d'Avignon

Le Quintette d'Avignon n'a pas eu le même succès que le Quatuor d'Alexandrie et, à la lecture du premier tome, on n'en est guère surpris... Histoire trop complexe, sans but, manquant de la précision dans l'exubérance du Quatuor, etc. Gott! les interminables théories gnostiques du sage Akkad, par exemple, mais rattrapées par la subite révélation, à Alexandrie, que toutes ces pratiques ne sont que des filouteries, "initiations religieuses montées par des escrocs habiles à exploiter les touristes naïfs". Cela donne surtout l'impression qu'il cherche à se moquer des lecteurs dévoués comme moi.
Et pourtant, on retrouve encore ça et là le vieux génie, dans quelques descriptions qui valent bien les pesanteurs du livre: la traversée du désert, les scènes de fête dans le château provençal, et surtout, cette extraordinaire descente du Nil, dix pages d'une splendeur inégalée, qui rendent l'expérience de la lecture supérieure à toute autre forme d'art, supérieure au rêve, et à la vie même, peut-être. Il faudrait tout citer, mais le lecteur n'aura qu'à s'acheter le livre* (ce qui n'est pas forcément facile); prenons la fin du passage:
"Quotidiennement, le Nil semblait croître en grandeur et en magnificence et pendant toute une série de journées, nous découvrîmes que notre route traversait une sorte de mer intérieure ou de delta parsemé de ravissants îlots couverts de végétation, sombrant ou émergeant selon les mouvement des eaux. Ils avaient la fragilité solaire de ces rêves auxquels on ne peut croire qu'à demi. Je comprenais maintenant l'impression qu'on devait éprouver sur les autres grands fleuves du monde, le Yang-tseu-kiang, le Gange ou l'antique Amazone. Un univers entier défilant dans un kaléidoscope de couleurs, changeant sans cesse, sans cesse fluctuant. Tout le jour ce festival de couleurs et puis, le soir, le ciel surchargé d'étoiles scintillantes, tels les rameaux chamarrés d'un amandier en fleur. Debout sur le pont, dans la nuit, écoutant les abois lointains des hyènes, suivant les lumières d'un village, nous nous imprégnions d'une paix et d’un calme immenses et sentions s'écouler autour de nous le vieux fleuve qui léchait la proue de notre embarcation et glissait sous les rêves des humbles marins arabes comme une nappe de verre."
Voilà un homme qui méritait d'exister!