samedi 26 janvier 2013

Personnages d'Henry James

Ces personnages d'Henry James, remplis de principes et de prévenances curieuses, que seul l'argent fait soudain fléchir - dans les Papiers d'Aspern* ou dans cette scène centrale de l'Américain où Newman, persuadé de sa muflerie, finit par utiliser sa richesse comme argument, et où la vieille marquise, au lieu de se draper dans la fierté aristocratique outrée qu'il attendait, lui demande cupidement à quel point il est riche (quel bon tableau de l'âme française!).
Plus souvent, les choses ne sont pas dites et les personnages semblent tourner autour d'inépuisables secrets, jusqu'à lasser quelque peu le lecteur - par exemple le long dialogue de la Tour d'ivoire, avec ses formules bizarres, ses sous-entendus, ses triples négations ("je ne vais pas faire semblant de ne pas me réjouir que tu ne m'adoptes pas comme un simple ornement"), là où tout ce que les protagonistes veulent dire est "Prends moi"! C'est au point que même la succession de phrases anodines paraît empreinte d'un sens caché, coquin ("c'est tout nouveau pour moi", "bien sûr j'aime ça", "je veux m'y mettre", "c'est surtout de toi que je dépends" - puis "Gray ôta ses mains mais continua de le regarder intensément - si intensément que Horton, avec un peu d'imagination, aurait pu commencer à penser qu'il allait trop loin").