samedi 15 juin 2013

Gezi Parkı (3)

Maintenant que la fumée des gaz lacrymogènes s'est dissipée, ou s'est maintenue pour si longtemps que nous nous y sommes habitués, l'impact de ces manifestations et de leur répression devient plus clair. Au niveau national, le gouvernement et l'AKP en sortiront inaltérés, peut-être même renforcés, mais au niveau international, c'est sans doute pour eux (et pour la Turquie) une triste défaite.
Ce ne sont pas tant les images des "violences policières" qui sont choquantes; après tout, l'AKP a raison de rappeler que toutes les démocraties ont besoin, parfois, de disperser des manifestations par la force (protestations lors du G8, occupation de Notre-Dame des Landes, indignés, etc.). Le plus inquiétant est tout ce qui s'est déroulé en marge des événements principaux: journalistes emprisonnés, twitteurs/blogueurs inquiétés, télévisions censurées ou auto-censurées, avocats poursuivis jusque dans dans leur palais de justice, pratiques de désinformation grotesques (même si les manifestants, dans le feu de l'action, n'en ont pas été non plus exempts)... Et les habituels "travers levantins": incapacité au compromis, paranoïa et multiples théories du complot.
Le gouvernement turc a terni pour longtemps l'image de la Turquie, l'a stupidement isolée alors qu'elle devrait être un phare de l'ancien monde (ceci dit, la 'realpolitik' reprendra vite ses droits, surtout si une intervention en Syrie se précise). Il ne se trouvera plus personne en Europe pour défendre la cause de son adhésion (ils n'étaient déjà guère nombreux). Plus grave, c'est le concept d'un parti "islamiste modéré" qui n'est définitivement plus recevable - hélas, car on aimerait y croire comme une construction possible, raisonnable, et je me souviens parfaitement des illusions de mes amis tunisiens, prompts à vanter en toute bonne foi le "modèle turc"!