mercredi 18 décembre 2013

Cadavre dans le placard (3)

Toutes ces recherches archéologiques sont finalement bien décevantes: on espère découvrir des trésors, de magnifiques statues, des hiéroglyphes dignes du Roman de la momie*, et l'on ne trouve que d'insignifiants tessons, des blocs mal taillés que l'on n'oserait pas exposer, et qui ont à peine une valeur historique. Par exemple, j'ai déterré l'ancêtre préhistorique de ces Brèves, un document d'une vingtaine de pages déjà divisé suivant les mêmes chapitres, datant de 2003. Comme dans le journal déjà mentionné, je n'y vois que le copié-collé de tous les préjugés de mon entourage: j'avais essayé de sortir de la forme du journal intime, mais c'était une sortie malheureuse... A vingt ans (et sans doute aussi à trente...), il ne sert à rien de chercher à écrire sur le monde, la cité et l'homme ("la psychologie de l'homme et de la femme n'est jamais que celle des lions et des lionnes" - cela ne veut rien dire!); j'aurais mieux fait de m'aventurer dans les profonds secrets des grands maîtres que j'ai rencontrés par la suite, et de leur voler le feu!
Généreux envers moi-même comme d'habitude, j'avais eu la bonne idée d'oublier l'existence de ces feuilles, et elles s'étaient effacées de ma mémoire, à part quelques idées qui ont trouvé leur chemin à travers les années, notamment dans le section "épilogue" (la seule qui vaille quelque chose, puisque c'était le seul sujet que je connaissais à peu près) :
  • Le péché est facile à éviter au contact des autres. Car les autres nous poussent à chaque instant à l’obéissance, attentifs qu’ils sont, peut-être, à pouvoir nous mépriser. Sans parler de l’orgueil que l’on peut éprouver à être vertueux. Non, la vraie tentation, c’est dans la solitude qu’elle mûrit, pour exploser ensuite, dans la solitaire compagnie des autres. 
  • J’ai cherché à transformer en mots mes victoires et mes échecs – surtout mes échecs, d’ailleurs. C’est comme s’il avait mieux valu pour moi que tout rate. 
  • Alors, me voilà en quelques mots : je suis incapable d’exprimer un désir vis-à-vis des autres, en bien comme en mal. Et je déteste être interrogé sur moi, alors même que j’aime parler de moi. Je hais les questions, j’aime les réponses. 
  • Que l’on puisse éprouver de l’amour pour moi m’a toujours paru quelque chose d’assez baroque. 
  •  Une ville qui me tient à cœur : Istanbul, la ville magique de l’enfance, et la ville de l’amour enfin possible. 
  • J’ai « le cul entre deux chaises », voire entre trois, ou quatre chaises ! Et cela vaut dans tous les domaines de mon existence. Je suis là où l’on ne m’attend pas. Du coup, on ne m’attend nulle part.