Mystérieuse Turquie... Après six mois de calme relatif, quelques surprenantes arrestations venues de là où on ne les attendait plus viennent révéler la nature corrompue et malsaine du système, d'autant plus malsaine que la principale réaction du pouvoir a été de muter les chefs de la police qui contribuaient à la procédure judiciaire (quel bel état de droit!)... Bien sûr, comme à l'accoutumée, les théories du complot foisonnent - celle qui voit le mouvement de Fettullah Gülen à la manœuvre semble assez crédible (qui ferait suite à la fermeture des écoles privées parrainées par le mouvement).
Cela montre à quel point nous connaissons mal ce pays, en Occident: obsédés par la division laïcs/religieux qui entre dans notre mode de pensée, nous avons oublié que d'autres forces pouvaient être à l’œuvre, à l'intérieur des partis religieux eux-mêmes. Mais j'ignore ce que vaut ce mouvement: réelle réaction au régime autoritaire introduit par l'AKP, ou luttes de personnes? Ces événements semblent bien plus déstabilisateurs encore que les tensions de Gezi. Tout le monde doit retenir son souffle en Turquie... Et la réaction de Recep Tayyip Erdoğan, ses discours véhéments et ses manœuvres désordonnées, sont bien compréhensibles: il a dû sentir le vent du boulet, la "chute d'un empire", pour reprendre la formule frappante (et sans doute jamais prononcée) de l'ambassadeur américain.